lundi 8 juin 2009

Patriot Act bolivien ?

Les débats (affrontements ?) les plus récents en Bolivie portent sur la nouvelle dénomination de l’Etat bolivien. D’un côté comme de l’autre, on commente largement le fait que le pays ne soit officiellement plus une République (ce qu’elle était depuis 200 ans) mais un Etat Plurinational. Le changement de dénomination reflète les transformations actuelles du cadre juridique et institutionnel bolivien, au-delà du vote d’une nouvelle constitution. De fait, la vie politique bolivienne est aujourd'hui caractérisée par certaines de mesures contraire à la notion d’Etat de droit. Court résumé de 3 décisions récentes emblématiques du difficile contexte actuel :

Le 20 mai 2009, le président Evo Morales a approuvé le Décret Suprême n°0138, suscitant aujourd'hui de très nombreux débats. Selon ses opposants, le décret signe la fin de la présomption d’innocence pour les « terroristes ». De fait, le texte fait écho à un climat délétère, comme je l’ai signalé dans un précédent billet, suite à un attentat contre un clerc important de Santa Cruz. La vie politique bolivienne étant constamment égayée par de nouveaux évènement internes (que ce soit suite à une déclaration d'un membre du gouvernement ou aux agissements de la diverses oppositions), le terrorisme « cruceño » a depuis été relégué au second plan.

Néanmoins, le décret 0138 est surement le coup le plus dur porté à l’opposition de Santa Cruz. De fait, toute personne soupçonnée d’être terroriste ou d’avoir des liens avec les terroristes se verra immédiatement confisquer l’ensemble de ses biens et valeurs. Aucun jugement n’aura besoin d’être rendu pour l’application de la mesure.

Evo Morales a appuyé son argumentaire sur la nécessité de condamner les traitres à la patrie ayant tenté de diviser le pays. Au-delà de l’attentat ayant engendré le décret, chaque citoyen bolivien est dorénavant potentiellement sujet à la confiscation de tous ses biens, selon le libre discrédit de le « fiscal » (personne chargée de mener l’enquête). Le problème étant, comme on l'a dit précédemment que Marcelo Soza, le « fiscal » aujourd’hui en charge de l’enquête sur le terrorisme, est sous le coup de 6 chefs d’accusation.


La rhétorique gouvernementale et l’atteinte potentielle portée aux libertés boliviennes ont soulevé un tollé au sein de l’opposition. Le président du Sénat, Oscar Ortiz, a parlé de terrorisme d’Etat. Certains médias ont pour leur part parlé de « Patriot Act Bolivien ».

Tentant de limiter la production des effets juridiques du décret, l’opposition a dénoncé l’anticonstitutionnalité du texte, parlant de pas moins de 15 violations. Le problème, et c’est là le deuxième cas emblématique, est qu’il n’y a aujourd’hui plus de contrôle constitutionnel en Bolivie. Le Tribunal Constitutionnel cessera en effet de fonctionner le 26 juin prochain, suite à la démission de la dernière magistrate en poste, Silvia Salame. Les quatre autres magistrats ont successivement démissionné depuis 2007, se plaignant des constantes pressions à leur égard et d’une réduction drastique du budget de leur institution. 4000 plaintes concernant 27 000 citoyens sont accumulées pendant les deux années. En janvier, déjà, l’Union Européenne soulignait cette faille juridique problématique.

Le gouvernement argumente que le Tribunal Constitutionnel est une institution politique car ses membres ont été nommés par les gouvernements précédents. La nouvelle constitution stipule que les membres du TC seront élus par le peuple (les candidats seront préalablement sélectionnés par l’assemblée plurinationale – chambre basse). Le gouvernement affirme donc attendre les prochaines échéances électorales pour refaire fonctionner l’institution.

Le troisième fait emblématique est le vote par la chambre basse d’une loi autorisant l’utilisation de l’ancien registre électoral pour les prochaines élections, en cas de non établissement du nouveau patron. Cette question a précisément été l’un des points les plus importants de la nouvelle loi électorale. La loi est encore loin d’être promulguée, le Sénat acquis à l’opposition n’ayant pas dit son dernier mot. La Cours Nationale Electorale a cependant certifié qu’elle mettra en place le nouveau registre à temps, malgré les nombreux problèmes de délais et de moyens.

Au risque de me répéter, ces trois mesures permettent de constater la très forte tension régnant aujourd'hui en Bolivie, instaurant un climat délétère.