jeudi 25 mars 2010

La Révolution verte en Amérique Centrale



Depuis la publication du Rapport Stern en octobre 2006, le débat sur le changement climatique a pris une nouvelle dimension. Ce papier, premier d’une longue série et écrit par un profane des thèses environnementalistes, a permis de sensibiliser les décideurs internationaux sur l’urgence de la situation. Selon le spécialiste de sa Majesté, un investissement de seulement 1% du PIB mondial serait suffisant pour contrecarrer les effets du réchauffement global sur l’économie.

Si l’échec retentissant de la Conférence de Copenhague, fin 2009, a laissé flotter le doute sur un engagement politique fort des puissances occidentales, le résultat des dernières élections régionales en France démontre l’intérêt croissant que porte l’opinion publique sur ce sujet. Le retrait du projet de « taxe carbone » prouve ainsi le fossé qui se creuse entre une société civile soucieuse et une classe politique laxiste.

Il est pourtant des régions où le dossier avance à grands pas. Preuve en est en Amérique Centrale où la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL) a lancé un vaste projet sur « l’économie du changement climatique ». Pourquoi choisir une telle région me direz-vous ? L’isthme centraméricain est le symbole du réchauffement climatique : près de 7% de la biodiversité du globe terrestre pour moins de 0,5% d’émissions de carbone
[1]. De par sa position géographique et sa fragilité économique, l’Amérique Centrale est l’une des régions les plus vulnérables face aux désastres naturels. Depuis 1930, les experts ont recensé près de 250 évènements extrêmes, comprenez par-là ouragans, inondations, sécheresse et séismes. Le seul souvenir de l’ouragan Mitch en 1998, qui avait provoqué la disparition de plus de 10000 personnes du Mexique au Panama, permet de mieux appréhender le problème. Non seulement l’économie de ces pays est mise à mal par des phénomènes climatiques récurrents, mais surtout, la population subit de graves pertes matérielles et humaines, en majorité irréversibles. On estime qu’au cours des huit dernières années, le coût annuel des catastrophes liées au changement climatique s’élève à la somme faramineuse de 1875 millions de dollars.[2]

Le projet de la CEPAL est ambitieux : faire prendre conscience aux hommes politiques centraméricains de l’importance de l’enjeu de l’environnement pour le développement humain et économique de la région. Si le défi semble difficile à relever, la CEPAL part en terrain conquis. L’isthme centraméricain est l'un des pionniers en termes d’intégration des politiques environnementales. Depuis plus de 20 ans, la Comisión Centroamericana de Ambiente y Desarrollo (CCAD) et le Sistema de Integración CentroAmericano (SICA) s’efforcent de promouvoir le développement durable et l’internalisation des coûts environnementaux à l’économie centraméricaine. Le Costa Rica est sans doute le pays le plus avance sur ce sujet. En 1997, il est devenu le premier pays en développement à imposer une « taxe carbone » à ses concitoyens
[3], et selon certaines sources, il sera le premier pays neutre en carbone d’ici à 2021[4].


Ainsi, l’Amérique Centrale est l’une des seules régions du monde à avoir adoptée une position commue à la Conférence de Copenhague sur le changement climatique.

Les principales revendications de la position commune portaient sur :

- la fixation d’une limite à l’augmentation de la température globale à 1,5°C,
- la réduction de 45% des émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2020 et 95% d’ici à 2050,
- la responsabilité partagée mais différenciée sur le plan national et international,
- la mise en place d’une justice environnementale,
- la promotion d’une gouvernance qui permettre d’atteindre les Objectifs Du Millénaire,
- le financement, de la part des pays développés, de projets de lutte contre le changement climatique
- la promotion de l’initiative ERDD de lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts.

Cela n’empêche que les scénarios de la CEPAL et du Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique (IPCC) sont peu encourageants. La température moyenne en Amérique Centrale devrait augmenter entre 1,8 et 5°C d’ici à 2099, les précipitations devraient diminuer de 9% sur la même période malgré des prévisions à la hausse des phénomènes pluvieux extrêmes. L’agriculture ne sera pas épargnée par les effets du changement climatique, le rendement de production des grains basiques (maïs, haricot rouge et riz) tendant à baisser de manière significative.

La solution à ces inquiétudes repose aujourd’hui sur la réussite ou l’échec des futures négociations. Même si des progrès considérables ont été réalisés au cours des dernières années, les dirigeants centraméricains attendent un engagement fort de la part des membres du G8 lors la prochaine conférence sur le changement climatique qui se tiendra au Mexique.




Pour plus d'informations, consultez le site de la CEPAL: http://www.eclac.org/mexico/cambioclimatico/index.html



[1] “La economía del cambio climático”, Presentación base, p.11, CEPAL, DFID, CCAD, México, Décembre 2009.

[2] “La economía del cambio climático”, Presentación base, p.10, CEPAL, DFID, CCAD, México, Décembre 2009.

[3] Discours de Jorge Rodríguez Quiros devant la XVème Conférence de la Convention Cadre de l’ONU sur le changement climatique, Copenhague, 18 décembre 2009.

[4] “Carbono neutral: polémica en Costa Rica”, BBC World, Gilberto Lopes, San José, 14 août 2009.