mardi 17 mars 2009

Une victoire historique au Salvador

Pour la première fois de son histoire depuis la fin de la guerre civile, la gauche vient de remporter les élections présidentielles du Salvador (Amérique Centrale). Depuis la signature des accords de paix en 1992 entre le Front Farabundo Marti de Libération Nationale (FMLN) et les Forces Armées du Salvador (FAS), un seul a parti (d’extrême droite) a en effet occupé le pouvoir exécutif : l’Alliance de Républicaine Nationaliste (ARENA).

Plusieurs choses, brièvement.
Depuis 2000, le FMLN a remporté un certain succès aux élections législatives, jusqu’à être majoritaire en 2003. Jamais cependant, le peuple n’a osé voter lors des présidentielles pour le FMLN. Et ce pour plusieurs raisons. D’une part, le leader du FMLN, Shafik Handal, candidat à la présidence jusque là a été un des acteurs les plus notables de la guerre civile. Extrémiste, staliniste, celui-ci n’inspirait aucune confiance à la population. Sa mort en 2006, a largement débloqué la situation, permettant au FMLN de faire un pas vers le centre, comme on a pu le voir aujourd’hui avec la désignation de son candidat pour les présidentielle de 2009. Le choix de Mauricio Funes (journaliste indépendant non affilié jusque là) comme candidat à la présidence démontre en effet la profonde rénovation idéologique qu’a entrepris le FMLN après la mort de son leader historique (ce qui lui permet aujourd’hui d’être victorieux).

Rares sont les pays encore tant marqués par la Guerre Froide. Il faut dire que les guerres civiles ayant eu lieu dans toutes l’Amérique Centrale (Guatemala, Salvador et Nicaragua, la plus connue) ont été, si l’on peut dire, les dernières guerres liées directement au conflit entre les deux blocs (avec l’Afghanistan). La vie politique salvadorienne est encore aujourd’hui profondément marquée par l’affrontement idéologique issu de la guerre froide. La campagne présidentielle particulièrement violente de cette année l’a encore démontré. La rhétorique d’ARENA notamment fut d’un autre temps, mettant en garde contre le péril rouge, alors que le FMLN affirmait à tout va que le gouvernement allait commettre des fraudes pour empêcher sa victoire.

Une des caractéristiques du sy
stème politique salvadorien est d’ailleurs qu’il est un des plus polarisé au monde. Le FMLN comme ARENA se considèrent respectivement d’extrême droite et d’extrême gauche. Pendant 20 ans, ARENA a ainsi mené une politique ultra sécuritaire de lutte ouverte contre le problème endémique de la délinquance juvénile, couplée à une politique économique néolibérale (avec l’Equateur, le Salvador est d’ailleurs le seul pays d’Amérique Latine à avoir « dollarisé » son économie). Le spécialiste Manuel Alcantara Saez voit d’ailleurs la crise financière comme un des facteurs ayant favorisé la victoire du FMLN.

Dire que le résultat des élections de dimanche dernier est historique n’est pas trop fort. Enfin, la gauche accède au pouvoir après avoir été majoritaire au niveau municipal et au niveau législatif (je le répète, la mort de Handal y est pour beaucoup). En raisonnant selon les termes de la transitologie (courant de la science politique étudiant les transitions démocratiques), on peut aussi affirmer que le Salvador a finalement accompli sa transition vers la démocratie, en vivant aujourd’hui une alternance politique réelle.

Déjà, les observateurs soulignent que la gauche est minoritaire au Congrès (les élections législatives et municipales ont eu lieu en janvier 2009), si tous les partis de droite effectuent une coalition. Il sera donc difficile pour le FMLN de faire passer ses lois. Gageons tout de même que le FMLN entreprendra et réussira des réformes absolument nécessaires pour le pays, notamment en matière de sécurité et de politique fiscale (le Salvador est un des pays ayant le taux d’imposition le plus bas au monde). Dans tous les cas, l’accession de la gauche à la présidence du Salvador est un fait qui marquera à coup sur l’histoire de ce petit pays.

Pour plus d'informations, voir le dossier spécial de l'institut d'Ibéroamérique de l'Université de Salamanque.

5 commentaires:

  1. Pour Pierre-Jean, un ami à moi, je me permettrais juste de dire: ARENA = Alianza Republicana Nacionalista et non pas Alliance de Rénovation Nationale!

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  3. Ah oui, MERCI (c'était de tête hm hm). J'ai complètement confondu avec le Brésil.

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  4. Juste pour ajouter que les élections municipales et législatives ont eu lieu en janvier 2009!
    Par ailleurs, je rejoins totalement P-J sur le caractère historique de cette élection et sur l'aboutissement de la transition démocratique salvadorienne que l'on peut citer en exemple!
    En revanche, je ne suis pas sûr qu'on ait assisté à un changement (un "Bad Godesberg eféméléniste") idéologique au sein du FMLN... Justement, depuis les élections perdues de 2004 (et la mort de Schafik Handal), ce sont les orthodoxes qui ont repris les reines du parti au détriment des modérés comme le maire de Santa Tecla (Oscar Ortiz). Et des scissions ont eu lieu qui ont vu des modérés sortir du FMLN pour créer le FDR (disparu depuis peu il me semble...à ne pas confondre avec le FDR des années 1980).
    Peut-être que je me trompe...j'attends the answer de P-J...

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  5. Tu as raison, l'orthodoxie n'est pas partie hein. Elle est avant tout présente à la base d'ailleurs (comprendre les militants de toujours). Mais la désignation de Funes comme candidat me parait être la meilleure preuve que les choses changent. Le FMLN n'est pas le SPD non plus mais on s'éloigne quand même du stalinisme !
    Comme dit Sigrifo Reyes, le FMLN n’est pas « un corps monolithique ».
    Le fait que Funes et ses alliés ne remettent pas en cause le CAFTA par exemple me semble être fortement représentatif du fait que l'orthodoxie perd du terrain. (je tiens à préciser que je m'appuie avant tout sur ce texte : http://risal.collectifs.net/spip.php?article2469)
    Selon moi, il y a une claire différence entre la base fondamentale du FMLN (militants et cadres du parti) et le candidat qui vient d'être élu.
    Je vais certes un peu loin en affirmant que le FLMN a fait une refondation idéologique délibérée (elle me parait quand même sous-jacente avec la nomination de Funes). Mais ils me paraissent sur la bonne route. Au final, je suis un peu partisan de "si la tête opère un changement de direction, la base suivra". Après tout, c'est maintenant ou jamais que c'est possible (même si encore une fois, la non majorité parlementaire va poser problème - quoiqu'on peut aussi penser que les lois proposée seront plus modérées pour atteindre une majorité - même si c'est un peu rêver que de penser que la droite va voter avec la gauche au Salvador ahaha !)

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