lundi 18 mai 2009

Corruption et enjeux politiques au sud du Brésil



Un vol d'oiseau sur le Rio Grande do Sul

Au cours des dernière semaines des nouvelles dénonces de corruption ont provoqué un bouleversement dans la scène politique de l''État fédéré du Rio Grande do Sul. Véhiculées dans la presse national et régional, celles-là ont devenu un élément important dans le complexe échiquier pour la succession de 2010. Le présent article objective exposer l'actuelle conjoncture politique de celui qui es la quatrième économie e le cinquième État le plus peuplé du pays1.


Élue en 2006, la gestion Mme Yeda Crusius (PSDB) a hérité une crise dans les comptes publiques dont le déficit atteignait de 2,4 billions de reais2. On a donc mis en œuvre un programme d'ajustement fiscaux, le « choc de gestion » et d'augmentation d'impôts. Au cours des deux premières années, le gouvernement a réduit à la moitié ce déficit, ce qui a eu un haut prix politique, et une chute dramatique dans les indicateurs de popularité. Quoique l'année 2009 devrait être marqué para la reprise des investissements, l'image du gouvernement fut plutôt offusqué par des affairesde de corruption.


Bien que les partis comme le PT et du PSOL fissent une forte opposition, le gouvernement fut ébranlé par son propre alliance politique. Les premières dénonciations ont parti en 2008 du vice gouverneur M. Paulo Feijó (DEM). En effet, la relation entre les deux premiers mandataires de l'État est en dégringolade depuis le début du mandat, en ayant eu entre eux des échanges publiques de mots trop acides. M. Feijó a enregistré e a divulgué des conversations qui démontrent des conduites corrompues au sein de la gestion. Le chef de gouvernement, Cézar Buzatto, s'est fait démissionner en juin après la révélation d'une converse téléphonique dans laquelle il confirme que après la concession de l'administration d'entreprises publiques aux partis de la base alliée, celles son convertit en ressources de financement électorale a travers de la manipulation de licitations et de la surfacturation des achats. En autre, on a découvert une fraude dans le Département de circulation (Detran-RS) pour qui la police fédérale a estimé que, pendant les cinq dernières années, le montant d'argent publique détourné fut de 44 millions de reais. Parmi les suspects arrêtées figure l'entrepreneur Lair Ferst qui a participé dans l'administration de finances de la campagne de Yeda. D'ailleurs, le Tribunal de comptes et la Police Fédérale enquêtent sur des possibles détournements dans la banque étatique Banrisul (27 millions) et dans la Compagnie d'énergie (20 millions), dont la gestion est en charge du PMDB et du PTB respectivement, des parties qui composent l'alliance politique que soutienne le gouvernement. Dans la semaine passé des nouvelles révélations faites pour le magazine Veja supposent des irrégularités sur le financement de la campagne de Mme Yeda, des accusations qui touchent son époux M. Carlos Crusius. Le PT est désormais mobilisé pour l'établissement d'une Commission parlementaire d'enquête (CPI).


Les affaires de corruption ont devenu un pièce clé dans l'échiquier politique qu'envisage les élections de 2010. Depuis le début de l'année on spécule sur les possibles candidatures au gouvernement du Rio Grande do Sul. Le PT pourrait lancer Olivio Dutra3 ou le Ministre de la Justice Tarso Genro4 qui est déjà pré-candidat. Au PMDB, parti traditionnellement fort dans l'état, on cogite les noms de l'actuel maire de la capital José Fogaça5 et de l'ex-gouverneur Germano Rigotto6 qui s'intéresse plutôt à une candidature pour le sénat. Le PSDB évaluait en mars que Mme. Yeda disposait encore du capital politique pour essayer une réélection, surtout si les résultats des projets d'investissements prévus par cette année résultaient positifs. Néanmoins, informe le quotidien Folha de São Paulo, les nouvelles accusations de corruption peuvent renforcer une deuxième option que défend une alliance avec le PMDB sur une candidature de Fogaça. Et voici que l'enjeu national se fait aussi présent. Une telle alliance répondait aussi à une stratégie de former des alliances régionales entre les deux partis pour renforcer le candidat du PSDB à la présidence et réduire le espace politique du PT. D'autre coté, le PMDB du Rio Grande do Sul soutien l'idée de que son parti lance une candidature propre à la présidence. Même si celle n'était pas adopté, on demande l'autonomie au dirigeants régionaux pour qu'ils puissent, à exemple de ce qui s'est passé en 2006, établir les alliances au delà des accords de la direction national du parti. De toute façon, il est peu probable une alliance entre PT et PMDB dans cet État tandis l'affaiblissement du gouvernement Yeda pourrait renforcer une candidature de Fogaça ou Rigotto.


Les enjeux régionaux et nationaux se croisent donc au Rio Grande do Sul, que passe a jouer un rôle important dans la complexe architecture des alliances du scenario politique brésilien.

Notes:
1En effet selon les donnés du recensement démographique du IBGE pour 2007 l'État du Rio Grande do Sul compte en peu plus de 10,5 millions d'habitants et son économie représente 6,82% du PIB brésilien. In: Atlas socio econômico do Rio Grande do Sul, disponible en ligne sur le site: http://www.scp.rs.gov.br/atlas/atlas.asp?menu=292
2A titre de référence, le PIB de l'État fut, en 2008, de 193.485 millions de reais. Ibidem.
3Olivio Dutra fut le Maire de la capitale, Porto Alegre entre 1989-1992 et gouverneur de l'État entre 1999-2002.
4Tarso Genro fut le Maire de Porto Alegre pendant les mandats de 1993-1996 et 2001-2002;
5Après quatre gestions successives du PT, José Fogaça est devenu maire de Porto Alegre en 2005 et réélu pour le mandat de 2009-2012.
6Germano Rigotto a eu le mandat de gouverneur entre 2003-2006.


Références Bibliographiques:

Folha online, édition du 12/05/09. Tucanos cogitan rifar Yeda Crusius e apoiar peemedebista José Fogaça. http://www1.folha.uol.com.br/folha/brasil/ult96u564267.shtml

Folha online, édition du 17/05/09. Governo Yeda completa 29 meses de crise. http://www1.folha.uol.com.br/folha/brasil/ult96u567160.shtml

O Globo, édition du 11/05/09. PMDB Gaucho prepara cruzada pela candidatura propria à Presidência e dificulta aliança com PT no RS. http://oglobo.globo.com/pais/mat/2009/05/11/pmdb-gaucho-prepara-cruzada-pela-candidatura-propria-presidencia-dificulta-alianca-com-pt-no-rs-755812056.asp

Revista Veja, édition du 18/06/08. A crise permanente. http://veja.abril.com.br/180608/p_068.shtml

Revista Veja, édition du 13/05/09. O caixa dois do caixa dois. http://veja.abril.com.br/130509/p_064.shtml

Zero Hora, édition du 17/05/09. Lider do PDT indica que partido deve endossar CPI contra Yeda. http://zerohora.clicrbs.com.br/zerohora/jsp/default.jsp?uf=1&local=1&section=Pol%EDtica&newsID=a2513212.xml

dimanche 17 mai 2009

La politique s'invite au Salon du Livre de Buenos Aires

Du 23 avril au 11 mai, Buenos Aires accueillait sa 35e édition du Salon international du Livre sur le thème « penser avec les livres ». Avant même son inauguration, la crise faisait craindre aux organisateurs une moindre participation des Argentins et c’est dans une inquiétude croissante que s’est déroulée la première semaine[1]. Mais la « Nuit de la Ville », le 30 avril, a donné le coup de publicité qu’il manquait à la Feria. Cette fête culturelle gratuite a duré toute la nuit, proposant spectacles de musique, de danses, récitations de poésie, présentation de livres et jeux.
Pourtant, avec 80 000 visiteurs en moins, la Feria n’aura pas battu son record de l’an dernier. Sur 19 jours la participation du public a baissé de 6 à 7%
[2] par rapport à l’année dernière, attirant 1.160.000 visiteurs. Le président de la Fondation El Libro, Horacio García l’explique non seulement par la crise mais aussi par la peur de la grippe porcine, certaines personnes portant d’ailleurs un masque lors de la Nuit de la Ville.

Le titre le plus consulté de la Feria – et donc était mis en évidence dans la plupart des stands – a été Les veines ouvertes de l’Amérique latine, de l’uruguayen Eduardo Galeano. Il faut dire que la conjoncture s’y prêtait. Le 14 avril, Chavez en offrait un exemplaire à Barack Obama. Ce livre, selon l’auteur, « montre la réalité historique de notre Amérique, et nous offre une vision claire du contexte politique de l’Amérique (…). À lire ces lignes (…) nous voyons l’énorme perte que nous avons subite dans le courant de notre civilisation, nous pouvons observer différents personnages et attitudes qui peu à peu nous ont mené de l’opulence moyenne à une pauvreté qui menace de se convertir en misère »
[3]. Un premier signe de l’immixtion de la politique dans la Feria.

À quelques mois des élections législatives, le climat politique pouvait se mesurer dès l’acte d’inauguration, où les faits et gestes de chaque invité prenaient une dimension dramatique. La Nación par exemple décrit : « Nun (secrétaire à la Culture de la Nation) s’est assis au premier rang sans saluer Mauricio Macri (le chef du gouvernement de Buenos Aires)(…) il n’y eut aucun dialogue entre les deux. Pourtant certaines sources ont dit qu’ils s’étaient salués avant de rentrer dans la salle »
[4].
La Feria a aussi été un terrain de revendications politiques, celui de professeurs, d’étudiants, de femmes, de journalistes. Dès l’inauguration, une centaine de professeurs et étudiants des écoles publiques du secondaire sont intervenus durant le discours de Macri pour réclamer des augmentations de salaires et des bourses d’étude
[5]. Le 4 mai, un débat sur le « développement de la femme dans le monde après le Sommet de Pékin de 1995 » cherchait à analyser les avancées et questions en suspens en relation à la Déclaration et Plateforme d’Action de Pékin. Le 29 avril, les journalistes intervenant lors d’une table ronde sur la liberté de la presse en Argentine concordaient tous à dire que la liberté de la presse était en sérieux danger[6]. Selon Joaquín Morales Solá, journaliste à la Nación, « l’Argentine est dans une crise inédite de partis politiques et institutionnelle, et les journalistes occupent un lieu de pouvoir qui ne leur correspond pas. Cette absence de partis a mené ce gouvernement à être celui qui dépend le plus de la presse depuis 1983 et, contradictoirement, celui qui disqualifie le plus la presse depuis 1983 ». Autre danger qu’il relève : l’information publique est concentrée en peu de mains. Pepe Eliaschev, chroniqueur dans de nombreux médias, a ajouté que « jamais le pays n’avait vécu autant d’obscurité informative en démocratie ».
Cette même démocratie sur laquelle, pendant cinq jours, et en quasi synchronisme avec Grenoble, portait la rencontre internationale. Abordant divers sujets – penser la démocratie ; construction de valeurs dans les démocraties latino-américaines ; démocratie et inclusion sociale ; démocratie, droits de l’homme et littérature ; le futur des institutions de la démocratie dans l’Argentine du Bicentenaire – le discours des intervenants rejoignait celui des journalistes : « Le pays n’est pas encore mûr pour qu’arrêtent de se haïr la gauche et la droite. Il faut pouvoir débattre sans dégainer »
[7] disait Santiago Kovadloff. Et d’ajouter sombrement que « le Processus de Réorganisation Nationale[8] qui a pour base d’en finir avec l’autre a triomphé ».

Avec le recul, c’est un concentré des problèmes politiques en Argentine que la Feria del Libro a exposé au public. Lieu de débats et de dialogues, de visibilité des acteurs politiques, elle a permis de rassembler tous les citoyens autour d’une littérature qui englobe tous les sujets. La Feria del Libro peut ainsi être considérée comme un forum démocratique. Et le thème « penser avec les livres » était un appel à une réflexion critique sur notre temps, réflexion aujourd’hui soutenue par la lecture plus que par la télévision.

[1] http://www.el-libro.org.ar/
[2] http://www.lanacion.com.ar/nota.asp?nota_id=1127092
[3] http://www.librosdeluz.net/2007/11/las-venas-abiertas-de-america-latina-eduardo-galeano-resumen-gratis.html
[4] http://www.lanacion.com.ar/nota.asp?nota_id=1121519
[5] http://www.ansa.it/ansalatina/notizie/notiziari/argentina/20090424120134865956.html
[6] http://www.lanacion.com.ar/nota.asp?nota_id=1122950
[7] http://www.lagaceta.com.ar/nota/325577/LGACETLiteraria/Sarcasmo_garrotazos_durante_Feria_Libro_Buenos_Aires.html
[8] Nom utilisé par les dirigeants de la dictature militaire de 1976 à 1983 pour désigner cette dictature.

lundi 11 mai 2009

Terrorisme

Depuis un peu moins d’un mois, la Bolivie vit un scénario digne des meilleurs blockbusters hollywoodiens. Le 15 avril 2009, un attentat fut perpétré à Santa Cruz contre la maison du cardinal Terrazas, important personnage de la vie politique et religieuse « cruceña » (de Santa Cruz) et connu pour ses prises de position contre le gouvernement d’Evo Morales. Le religieux fut sain et sauf, ne se trouvant alors pas dans son lieu de résidence. Ce qui n’empêcha pas l’ensemble de la classe politique de logiquement condamner la tentative d’assassinant, les médias l’interprétant comme une énième conséquence de l’atmosphère délétère dans laquelle est plongée la Bolivie depuis quelques mois.

La logique voulait que des partisans du MAS aient perpétré l’attentat suite aux prises de position du cardinal et aux « révélations » (de longue date) d’Evo Morales sur son athéisme (ayant provoqué pas mal de remous dans le pays) accompagnées de la proclamation dans la nouvelle constitution de la Bolivie en tant qu’Etat laïque.

Deux jours plus tard, spin off incroyable, la police lança l’assaut sur un hôtel de Santa Cruz (« Hotel de las Americas »), tuant trois individus et en capturant deux. L’incompréhension, le flou total a primé pendant les deux jours suivants. La version officielle a d’abord fait état d’échanges de coups de feu (et donc de légitime défense de la part des forces gouvernementales) jusqu’à ce que le témoignage du gérant de l’hôtel ne contredisent le discours officiel. La suite nous a appris qu’il n’y avait effectivement pas eu de coups de feu, que les hommes avaient été abattus alors qu’ils dormaient (avec des armes gros calibres … sous l’oreiller – voir la photo hallucinante de Rozsa ci contre, montrant que les soldats ont d’abord pris des photos avant de tirer !).

S’en suivirent deux semaines faisant état d’une situation digne d’un vaudeville. Chaque jour, une nouvelle révélation venait donner une tout autre envergure à l’affaire. Ainsi, on a appris rapidement que les trois tués furent irlandais, hongrois et croates (l’un deux ayant jusqu’à trois nationalités). Ce qui souleva logiquement les interrogations des Etats en question, qui eurent dans un premier temps une réponse plutôt sèche du président Evo Morales (pour finalement se rétracter sous les pressions au bout de quelques jours). De fait, la rhétorique étatique s’est immédiatement orientée vers le terrorisme, Evo Morales affirmant dès le départ que les « terroristes » planifiaient de l’assassiner. En quelques jours, toute la Bolivie a appris l’existence d’un nouveau mot :magnicidio (soit la volonté de vouloir assassiner le chef d’Etat). Il est difficile de relater le flou dans lequel était plongé le pays, certains points n’ayant par ailleurs toujours pas été éclaircis (quel est le rapport entre une tentative d’assassinat un clerc foncièrement à droite et la volonté de tuer un président socialiste, par exemple ?)

Petit à petit, les médias révélèrent le passé du « chef de la bande » : Eduardo Rózsa-Flores. Ledit homme était plus qu’un mercenaire. Bolivien, Croate, Hongrois, catholique puis juif puis musulman, le terroriste a aussi été journaliste (à La Vanguardia, rien que ça), réalisateur, acteur (dans un film remarqué à l’époque et biographique). Encore plus incroyable, il avait donné une interview à la fin de 2008 à un journaliste hongrois. Celle-ci ne pouvait être diffusée que s’il venait à disparaître (une sorte de témoignage posthume). Jamais la réalité n’a autant dépassé la fiction.

La suite fut non moins agitée. Après la surprise initiale, on commença à mener l’enquête. D’un côté, un enquêteur (fiscal) fut nommé par la justice : Marcelo Soza. Celui-ci est aujourd’hui très controversé, étant actuellement sous rien de moins de six… chefs d’accusation. Ce qui n’a pas empêché le corps judiciaire de lui confirmer son soutien. D’un autre côté, une commission de parlementaire s’est saisie du dossier et mène parallèlement l’enquête. Conséquence : un certain flou règne autour des avancées du dossier et sur la personne vraiment en charge.

Au niveau politique, « le terrorisme cruceño » n’a rien arrangé. L’enquête a démontré que Rozsa voulait constituer une milice pour, selon lui, « défendre » Santa Cruz. Et qu’à terme, l’objectif était l’indépendance.

Il n’en fallu pas plus pour raviver les questions brulantes de l’autonomie des quatre départements de la demi-lune. De fil en aiguille, l’enquête a directement lié l’élite politiquecruceña au cas de terrorisme, le gouvernement et le fiscal allant même jusqu’à mettre en cause … le préfet de Santa Cruz (soit la plus haute autorité de la région), sans oublier les principaux entrepreneurs, d’autres personnages emblématiques (comme le vice président d’un des deux clubs de foot de la ville), ou encore une ONG bolivienne. Concrètement, l’enquête a situé le quartier général des « terroristes » au même endroit que le QG de l’opposition de Santa Cruz demandant l’autonomie. Rapidement, le fiscal Soza a affirmé que les élites ont soutenu financièrement les mercenaires, permettant même leur venue (précisons que le propos est simplifié à l’extrême).

Il y a deux semaines, Evo Morales a mis en cause la porosité des frontières (tous les miliciens étant entrés illégalement sur le territoire bolivien). 40 % de l’armée a été envoyée à Santa Cruz pour les « contrôler ». L’opposition dénonça bien sur une manière détournée de mettre un peu plus la pression sur les autorités. C’est d’ailleurs toute la rhétorique des autonomistes qui abonde dans ce sens, accusant le gouvernement de profiter de l’aubaine pour tenter de les assommer définitivement. Certains analystes politiques dénoncent aussi une politisation de la justice, remettant en question son indépendance. S’en suivit une levée de boucliers des 4 départements, constituant chacun des comités de défense des droits de l’homme censés contrôler et limiter les pleins pouvoirs de Soza et des députés dans l’enquête. Le gouvernement n’y va d’ailleurs pas de main morte, accusant à tout bout de champ l’opposition autonomiste de « traitre de la patrie » voire affirmant qu’on a voulu créer … un nouveau Kosovo (ce qui mena les opposants à dire que s’il s’agissait là d’un nouveau Kosovo, alors Morales n’était rien de moins que Slobodan Milosevic).

Mais malgré les nombreuses dénonciations de l'opposition, les faits sont là : une partie des autonomistes a fait le choix de la violence. Ainsi, Carlos Alberto Guillén, vice président du club de foot Blooming s'est porté garant pour Rozsa lors de l'achat d'une voiture et a payé la première semaine d'hotel aux cinq mercenaires.

J’ai tenté de résumer au mieux les faits de ce dernier mois. La tache est pour le moins ardue, étant donné les « cataclysmes médiatiques » à répétition.

Du côté de l’analyse politique, on peut finalement discerner deux types d’opposition en Bolivie. « L’opposition horizontale » est de type parlementaire, droite/gauche, idéologique, on a pu l’observer lors du vote de la loi électorale transitoire.
Les évènements récents mettent en scène une « opposition verticale », soit une opposition entre le national et le régional, où les enjeux ne sont pas les mêmes.
Le préfet Rubén Costas, mis en cause, a par exemple déclaré dans La Prensa du 5 mai 2009 que le modèle politique cherché par Santa Cruz est le socialisme et plus précisément la social-démocratie. Evo Morales ou pas, les autonomistes s’opposeraient à quelque gouvernement que ce soit, si celui-ci est contre l’autonomisation de Santa Cruz. Pour être allé récemment dans cette ville, il est vrai que l’autonomie est une revendication qui va bien au-delà de la différenciation politique et qui est réellement percevable partout (sur les édifices, dans les noms des autorités, dans les conversations – voir photo personnelle ci contre). Les revendications autonomistes de datent pas d’hier, elles ont d’ailleurs partiellement mené à la démission de Carlos Mesa en 2005 (de paire avec les mouvements sociaux). On assiste néanmoins aujourd’hui à ce qui est surement un des affrontements les plus violents entre l’Etat central et les régions les plus riches de la Bolivie. Le tout sur fond de polar , de conspiration et de grandes controverses.

Le fabuleux mandat de Rafael Correa



Le 26 avril dernier, Rafael Correa a été réélu dès le premier tour à la Présidence d'Equateur, en remportant 51,9% des voix, devançant de plus de 20 points son principal concurrent, l'ex-président putschiste Lucio Guttierez. Le destin politique de ce jeune économiste de 46 ans relève du conte de fée électoral.

Il était une fois un jeune économiste

Après avoir fondé son propre mouvement «contra la partidocracia »[1] en 2006, Correa l'outsider est élu Président de la République à la surprise générale. Dans sa lancée, il fait approuver par référendum la formation d'une constituante, puis fait voter sa nouvelle constitution par référendum un an et demie plus tard, en Novembre 2008. Enfin, il décide d'avancer les échéances électorales générales à Avril 2009 afin de mettre en œuvre les changements voulus par sa nouvelle Constitution. Le 26 avril dernier, cette saga électorale a connu un heureux dénouement avec sa réélection triomphale. Néanmoins, il ne faut pas se laisser éblouir par cette idylle politique car le carrosse a tôt fait de se changer en citrouille...

Une campagne inéquitable et sans idées

Si le succès est triomphal, la campagne a brillé par sa médiocrité. Tout au long de la campagne, le Président n'a cessé d'occuper le devant de la scène que ce soit a travers la propagande de son “Mouvement” Alianza Pais, les spots du Gouvernement ou les vitupérations de ses opposants. Aucune place n'a été laissée au débat d'idées et les candidats se sont montrés plus prolixes en insultes qu'en propositions.

En outre, il faut déplorer un manque de transparence et d'équité dans la promotion des candidatures, le Gouvernement abusant souvent d'espaces et de fonds publics pour promouvoir ses propres candidats. Le Conseil National Electoral (CNE) a du rappeler à l’ordre à plusieurs reprise l’impétueux Président pour abus de temps d’antenne. En effet, celui-ci utilisait son programme hebdomadaire, Cadena Radial, pour promouvoir sa réélection et traiter ses opposants de “voleurs”, “d’irresponsables” ou de “médiocres”. Après trois semaines d’admonestations, le Prédisent-candidat a daigné se plier au règlement.

Enfin, à quelques jours du scrutin, le gouvernement a fait parvenir à ses candidats des caisses de fertilisants agricoles destinées à être distribuées à la population, promouvant ainsi ses candidats avec du matériel payé par des fonds publics[2]. La “révolution citoyenne” de Correa n’a donc pas liquidé l’héritage clientéliste des caudillos qui offraient boissons et ripailles à la populace pour s’assurer leurs faveurs électorales. Une amélioration cependant : le trago[3] a été remplacé par du matériel agricole…

Entre conte de fée et décompte mal fait

Le 26 Avril à 19 h, les télévisions et radios annonçaient que Correa avait remporté l’élection présidentielle dès le premier tour avec 56% des voix; en outre, son Mouvement remportait 61 députés sur un hémicycle de 123 députés[4]. Une telle rapidité dans le comptage des voix a de quoi surprendre, surtout quand on sait que ce jour là les équatoriens votaient pour 8 mandats politiques différents[5]. Et pour cause, les chiffres annoncés provenaient d’un organisme de sondage, Participacion Ciudadana, financé par le gouvernement! Deux jours plus tard, le Président ne comptait plus qu'avec 51,9% des voix et 51 députés...

Face à de telles imprécisions et à un retard conséquent dans le décompte des voix, le chef de l'opposition, Lucio Guttierez, a parlé de «fraudes électorales» et les salles de comptage ont été envahies par des partisans de l'opposition dans plusieurs villes du pays. Malgré tout, les observateurs de l'Organisation des Etats Américains (OEA) et de l'Union Européenne ont qualifiés le scrutin de normal et bien organisé.

Un nouveau chapitre s'ouvre

La réélection de Rafael Correa est la conclusion logique d'un scénario écrit de sa propre main il y a trois ans. Après avoir préparé le terrain au cours de trois ans de campagne permanente, il va pouvoir se mettre au travail. Son élection suscite beaucoup d'espoirs et de craintes, reste à savoir si sa pratique agressive du pouvoir survivra à l'épreuve du temps.

Article rédigé par Alexandre Pierrin



[1] Contra la partidocracia”: “Contre la particracie”, c'est à dire la main mise des parties politiques sur la vie publique.

[2] Source: El Universo, 28/04/09

[3] Trago: Gnole

[4] Source: El Comercio, 27/04/2009

[5] Président de la République, Députés nationaux, Députés provinciaux, Préfets, Maires, Conseillers Municipaux Urbaines, Conseillers Municipaux Ruraux.

jeudi 7 mai 2009

“Una ley para que hablemos todos[1]”?

La loi qui régit la radiodiffusion (Loi de radiodiffusion n°22-285) en Argentine, a été promulguée le 15 septembre 1980, au beau milieu de la dictature des généraux. Elle avait été mise en place avec l'objectif clairement affiché  de donner la possibilité au régime de contrôler les grands médias de masse. Pourtant la volonté de Cristina Kirchner de réformer cet obscur héritage, est confrontée à de nombreuses critiques.

Le projet vu par le pouvoir officiel

Une grosse campagne de communication a été mise en place par le gouvernement, pour tenter d’expliquer et de justifier ce projet (Voir le site Internet).

La principale objection invoquée à la loi en vigueur (et pas des moindre) est le fait que l’octroie de licences pour l’exploitation de canaux de radio et de télévision n’est possible que pour des entreprises privées commerciales. Cela exclut, de fait, le développement de médias alternatifs à but non lucratif, et réduit donc la portée de la parole des nouveaux acteurs apparus avec la démocratie : Médias alternatifs, associatifs, communautaires etc…

Ils invoquent aussi la vieillesse de cette loi, et donc le fait qu’elle ne se soit pas adaptée à la révolution technologique qui est en marche. En effet, il paraît y avoir une sorte de vide institutionnel autour de la télévision câblée, alors que l’Argentine est le troisième pays au monde en terme de connexions par nombre d'habitants.

Pourtant, l’argument qui va sans aucun doute apporter le plus de soutien populaire au projet, n’est autre que la proposition de diffuser tous les événements sportifs de grande importance (matchs de footballs et autres événements olympiques) sur des chaînes publiques gratuites. Jusqu’à maintenant tout était  retransmis sur des chaînes à péage.

Le projet de loi conduirait donc, selon le gouvernement, à renforcer la pluralité des médias et à en augmenter la transparence. C’est ce qui a fait dire à Gabriel Mariotto, en charge du comité fédéral de radiodiffusion, et par la même occasion de rédiger le projet: qu’ « une nouvelle loi de radiodiffusion est la mère de toutes les batailles [2]». Pourtant, loin de convaincre, il rencontre de nombreuses résistances tant dans les milieux politique, professionnel, qu’intellectuel…

Critiques et résistances

Sur ce point, de nombreux secteurs de la société argentine s’opposent à  l’ «oficialismo»:

D’une part, il y a la critique d’ordre économique émanant principalement des professionnels argentins, et notamment de la part du puissant secteur des acteurs de la TV câblée. Selon eux, il est absurde de s’en prendre à une « industrie » viable et rentable. Ainsi, pour Diego Petrecolla, directeur du Centre d’Etudes de l’Union Industrielle argentine, cette loi est « sans argument ; elle attaque un secteur diversifié, qui a des compétences ».

Plus préoccupants sont les doutes qui subsistent quant à la garantie de la liberté de la presse. Ces critiques n’avaient que peu de retentissements dans les médias et dans l’opinion publique jusqu'à ce que l’Association Internationale de Radiodiffusion (Association qui représente 17000 professions et dont la vocation première n’est pas de faire passer ce genre de message) tire la sonnette d’alarme, lors d’une réunion en présence de José Maria Insulza, secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains. Selon son président, Luis Pardo: "No hay ningún país del mundo en que las licencias a los medios privados se puedan revisar cada dos años, bajo criterios que no están objetivados en la misma ley. Hay un riesgo enorme de comprometer y afectar la independencia editorial de los medios de radio difusión. Se presta a que haya presión por parte del Gobierno”. Il souligne ici l’annonce de la mise en place d’une autorité (Autoridad Federal de servicios de comunicacion audiovisual), qui aurait pour but de contrôler l’application de loi, et qui serait nommée, en partie, par le pouvoir exécutif. Autrement dit il remet fortement en doute l’altruisme du gouvernement, et voit plutôt dans cette loi une manière de restreindre la liberté de la presse à court terme. Il faut en plus souligner que ce projet arrive sur la table alors que la campagne législative bat son plein, entraînant un climat d’extrême tension entre le pouvoir et les médias

Si elles étaient avérées, ces craintes pourraient porter un coup très dur à une démocratie argentine à la recherche d’un second souffle. Second souffle qui ne pourra passer que par plus de légitimité et de transparence du pouvoir. Cependant, comme toujours en Argentine, les commentaires, les déclarations à l’emporte-pièce fusent de partout, et l’on a parfois un peu de mal à s’y retrouver entre ce qui est fondés et ce qui ne l’est pas…

D’un point de vue personnel : J’ai assisté, depuis près de deux mois, à la recrudescence des débats et conférences traitants de ce sujet au sein de l’Université de Buenos Aires. Le monde académique semble, en tout cas, de plus  préoccupé par cette réforme



[1] C’est le slogan de la campagne officielle: “Une loi pour que nous puissions tous parler”. Il traduit la volonté de faire passer un message sur la democratisation des médias

[2] Interview accordé à LA NACION le 13 avril 2008