lundi 31 mai 2010

Victoire de la droite en Colombie.

Une élection présidentielle serrée en Colombie. C'était le scénario ésquissé par les dernières sondages. Une légère avantage s'annonçait pour Juan Manuel Santos, du Parti Social de l'Unité Nationale, sur Antanas Mockus, du Parti Vert (34% et 32% selon IPSOS Napoleón Franco; 35% et 34% pour l'Institut Datexco). Mais une fois décomptées les urnes une surprise s'est révélée. Santons a remporté plus de 46% alors que Mockus à peine a dépassé le 21%. Les sondages se sont-elles trompées? Les colombiens on décidé leur vote à la dernière minute? Le parti au pouvoir est parvenu à convaincre les sympathisants des verts à changer leur choix? Plusieurs questions qui demandent du recul pour être analysées. Les électeurs sont appelés le 20 juin pour décider le futur président.

Empêché de se représenter pour un troisième mandant, le président. Álvaro Uribe a fait de Juan Manuel Santos son Dauphin. Née dans une riche famille à Bogotá, Santos fait ses études en économie et a occupé le poste de sous-directeur du périodique El Tiempo (le plus important du pays, contrôlé par la famille de l'actuel vice-président Francisco Santos Calderón). À partir des années 90 l'homme politique a occupé plusieurs portefeuilles du gouvernement national (Commerce extérieur en 1991, Finances en 2000). En 2006 il est chargé du Ministère de la Défense, ébranlé par les scandales des exécutions extra-judiciaires commis par l'armée et des faux guérilleros assassinés. Santos est aussi soupçonné de pactiser avec des groupes paramilitaires (une pratique largement connue par la classe politique colombienne). Malgré cela, le candidat de droit a pu remporter la victoire dans la plupart des provinces et grandes villes du pays.

Philosophe et mathématicien, docteur Honoris Causa à l'Université Paris XIII, Antanas Mockus a été élu maire de Bogotá, de 1995 à 1998 et de 2001 à 2004. En ayant élaboré un discours basé dans l'étique et des slogans comme le changement des pistolets par des crayons (moins de violence et plus d'écoles) sa campagne a connu un grand essor. D'ailleurs il a investi dans les réseaux facebook et tuwitter pour s'approcher du public jeune et faire monter sa cote dans les sondages comme une vraie « vague verte ». Toutefois, en dépit du soutien apporté par Lucho Garzón et Enrique Peñalosa, anciens maires de la capitale, il n'a pas remporté la victoire à Bogotá. Finalement, le candidat vert, n'est arrivé en tête que dans la province de Putumayo et parmi les grandes villes à Tujna.

De Surcroît, l'échiquier politique colombien semble avoir changé. Les partis traditionnels que durant plus de cinquante ans avaient partagé le pouvoir ont recueilli ensemble 10% des voix (6,14% pour Noemí Sanín du Parti Conservateur, et 4,37% pour Rafael pardo du Parti Libéral).


Sources:
Courrier international, planète presse.
Courrier international, « Antanas Mockus. Prof et un peu prophète ». Hebdo n°1021, mai 2010.
El País (Espagne), édition du 31/05/2010. « Santos gana con ventaja el primer asalto de las presidenciales colombianas ».
El Tiempo (Colombie), édition du 31/05/2010. « Juan Manuel Santos arrasó en la primera vuelta de las elecciones presidenciales y llamó a la unidad ».
Página/12 (Argentine), édition du 31/05/2010. « Santos ganó, pero irá a ballottage con Mockus ».

jeudi 29 avril 2010

Ciro Gomes ne sera pas candidat à la présidence


Mardi 27 avril 2010, la commission exécutive nationale du Parti Socialiste Brésilien (PSB) a choisi de ne pas lancer une candidature propre pour la dispute présidentielle d'octobre. La décision a été prise par 20 votes contre 7, mais sous fortes de critiques. Le parti se serait soumis aux intérêts du Parti des Travailleurs (PT).Cette critique a d’ailleurs été relayée par la candidate du Parti Vert, Marina Silva, qui avait souligné que le manque d’offre électorale au premier tour risquait de constituer un élément fragilisant la démocratie brésilienne. Des rencontres entre leaders du PT et du PSB s'étaient intensifiées ces derniers jours pour parvenir à un accord autour du soutien des socialistes à Dilma Rousseff. L'alliance doit être formalisée le 17 mai.
Déjà candidat en 1998 et 2002, le député Ciro Gomes (CE) était pressenti comme le candidat naturel du PSB à la présidence de la République. Toutefois, à juger par les sondages d'opinion, sa candidature n'a pas du tout décollé. La courbe des intentions de vote qui lui a été attribuée a chuté de 20% (mars 2008) à 9% (avril 2010). Il avait notamment été dépassé par Marina Silva.
En dépit du mécontentement de Ciro, pour qui le parti a commis une « erreur tactique », le PSB essaie de garantir son quota de postes au pouvoir. L'alliance avec le PT lui permet de négocier et de se placer pour la dispute au gouvernement des États fédérés et au Sénat, tout en garantissant un partage plus favorable des portefeuilles ministériels en cas de victoire de Dilma.


Sources:
O Globo, édition du 28/04/2010 « PSB anuncia que não terá candidato próprio à Presidência da República; Ciro diz que partido cometeu 'erro tático'».
Folha de São Paulo, édition du 28/04/2010 « Leia íntegra da nota do PSB sobre a retirada da pré-candidatura de Ciro ».

lundi 26 avril 2010

Course présidentielle au Brésil: alliances et sondages

Bien que la campagne électorale ne commence officiellement qu'en juin, l'arrière scène de la politique brésilienne connaît d'intenses mouvements. Depuis plusieurs mois les partis définissent leurs candidats, préparent les programmes, et articulent leurs alliances au niveau national et régional. Début avril de nombreux ministres, gouverneurs et maires de capitales désirant se présenter au prochain scrutin ont démissionné de leurs fonctions, ce qui inaugure une nouvelle phase en dessinant plus clairement les choix et les stratégies des principales forces politiques.

L'anticipation des résultats, à la fois instrument indispensable de l'aide à la décision des équipes de campagne et une véritable obsession des mass medias, est offerte par des sondages désormais mensuellement publiés. Les données présentées dans le tableau ci-dessous illustrent une certaine stabilité de José Serra qui oscille entre 38% et 36% depuis mi-2009, bien qu'il ait atteint le maximum de 41%. Depuis longtemps, Serra était contraint par ses alliés à annoncer sa candidature, car on supposait que cela pourrait freiner la monté de la candidate opposante et améliorer son propre positionnement dans les sondages. Toutefois, Serra estimait qu'une présentation prématurée l'engagerait dans un débat public avec un président très populaire, sans produire de réels bénéfices électoraux. Début avril, entre les larmes, les critiques au gouvernement fédéral et la présentation du bilan de sa gestion, José Serra a laissé le poste de gouverneur de l'état le plus puissant du pays avec une cote de popularité de 55%. Le sondage d'avril, premier depuis l'officialisation de sa candidature (achevée le 10 avril) n'illustre pas d'altération significative dans les intentions de vote.

D'autre, le ticket présidentiel du PSDB n'est toujours pas défini. Jusqu'à la fin 2009 on pressentait les gouverneurs Aécio Neves (Minas Gerais) et José Serra (São Paulo) comme les possibles pré-candidats. La candidature de José Serra à la présidence a finalement été acceptée. Pressenti pour être candidat à la vice-présidence, Aécio Neves manifeste toutefois sa préférence pour un poste de sénateur (pour lequel les risques de défaites sont moindres et le mandat est de huit ans…). Ainsi, le nom pour compléter la formule pourrait venir de son allié, le DEM, mais les obstacles ne sont moins remarquables. Premièrement, il lui manque des options viables au niveau de son personnel politique. Quoique le nom de José Arruda ait été évoqué, celui-ci a été exclu du jeu politique après le scandale de corruption au District Fédéral [1]. Quant au sénateur Marco Maciel (PE), ex-vice président de Fernando Henrique Cardoso, il pourrait attirer une mauvaise cote en facilitant la stratégie du PT à comparer les gestions de Lula et de FHC. Et finalement Cesar Maia (RJ) et Paulo Souto (BA) avancent d'autres projets politiques. Deuxièmement, le parti est fortement ébranlé par les scandales de corruption concernant José Arruda, et plus récemment la décision de la justice pour la cassation du mandat de Gilberto Kassab, soupçonné d'avoir reçu un financement illégal pour sa campagne du 2008[2]. En somme, l'actuel positionnement du DEM contraint énormément sa marge de négociation et sa capacité de pression sur son allié.

Dans ce cadre incertain, un plan B est cours de s'esquisser. Une alternative serait le sénateur Tasso Jereissati (PSDB), entrepreneur et ancien gouverneur du Ceará (1987-1991 puis 1995-2002), qui pourrait faire un contrepoids à la base électorale du PT dans le Nordeste du pays. Plus récemment, certains dirigeants du parti ont discuté le nom de la sénatrice Marisa Serrano (MS), vice-présidente du PSDB, afin d'apporter un visage féminin au ticket.

Pendant ce temps, le PT avançait dans l'articulation de ses accords régionaux et la ministre Dilma Rousseff croissait dans les sondages d'intention de vote. La différence entre Dilma et Serra avait été proche de 30 points en mars 2009 et s'est réduite à seulement 4 points en mars 2010 (égalité technique) en allumant alors un signal d'alerte pour le PSDB. Ce resserrement se confirme en avril 2010.
L'équipe de Dilma Rousseff travaille sur la construction et la diffusion de son image. Pour ce faire, l’ancienne Ministre de la Casa Civil (elle a démissionné de son poste début avril pour se consacrer pleinement à la campagne électorale) a pu bénéficier d’un appui total du Président Lula. Fin mars, le Tribunal Supérieur Electoral a même condamné Lula à une amende de 10.000 reais (plus de 4.000 euros) pour propagande électorale illicite. Possédant le profil technique d’expert’, Dilma n'a pas de réelle expérience électorale. Elle était jusqu’en 2008 encore peu connue du grand public. En revanche, son poste ministériel et la coordination du Programme d'Accélération de la Croissance (PAC) sont devenus une vitrine nationale: s’il y a un an avant seuls 53% des interviewés connaissaient la pré-candidate, 86% de la population sait dorénavant qui est Dilma (les chiffres sont de 96% pour José Serra, 92% pour Ciro Gomes et 56% Marina Silva). Une question fondamentale de ce scrutin est de savoir si le président Lula parviendra à transférer son capital politique pour faire élire sa successeuse.

L'enjeu est d'autant plus significatif que, en dépit de la crise internationale, l'approbation de son gouvernement est croissante depuis mars 2009, pour arriver à 76% lors du dernier sondage (voir données ci-dessous). À cet égard, 42% de l'échantillon du sondage affirme vouloir voter pour la candidate soutenue par Lula et 26% se déclarent indécis. L'un des défis du PT consiste encore à diffuser l'image de Dilma comme candidate liée à Lula, car seuls 59% des personnes interrogées déclarent savoir qu'elle est soutenue par le Président (pourcentage qui était de 52% en décembre 2009). D'ailleurs, c'est justement auprès de la population à plus faibles revenus et niveaux d'étude, un électorat plus propice à voter pour Lula, que Dilma est moins la connue (49%). Ce malgré une progression de 8 points depuis fin 2009. Les mouvements en arrière scène sont également très intenses pour composer le ticket présidentiel et désigner le candidat à la vice-présidence de Dilma. La stratégie des dirigeants du PT consiste à reproduire dans l'arène électorale l'alliance parlementaire avec le PMDB, ce qui impose un certain nombre d'obstacles à surmonter. Le PMDB a entériné son soutien au PT dès le premier tour pour l’élection présidentielle. Mais la proximité avec le PT était loin de faire l'unanimité au sein du PMDB, et trois lignes différentes s’étaient esquissées. La première, soutenue par Orestes Quércia (SP) et Jarbas Vasconcelos (PE), était favorable à une alliance avec le PSDB. Deuxièmement, un secteur n'écartait pas l'idée d'une candidature propre en suggérant le nom du gouverneur du Paraná Roberto Requião. Enfin, l'option de l'alliance autour de Dilma était défendue par des leaders importants comme José Sarney [3], président du Sénat, et Michel Temer, président de la Chambre de députés candidat le plus probable la vice-présidence. Quoiqu'une décision officielle ne soit pas annoncée avant la convention nationale en juin prochain, après la réélection de Temer à la présidence du parti, les doutes semblent depuis début février définitivement dissipés autour d'un ticket PT-PMDB. L'enjeu est désormais de trouver un nom fort pour que l'alliance soit la plus égalitaire possible, autrement dit, pour qu'elle garantisse un partage des postes le plus favorable possible au PMDB dans en ce qui concerne les portefeuilles ministériels et dans les entreprises publiques. Si le nom du président de la Banque Centrale, Henrique Meirelles, a été pressenti (il pourrait équilibrer la tendance plus à gauche de Dilma, en offrant des signales positifs au marché) c'est Michel Temer est le mieux positionné. Cette option s’est d’ailleurs confirmée le 3 avril, lorsque Henrique Meirelles a – tardivement – annoncé qu’il ne démissionnerait pas de son poste de président de la Banque Centrale et qu’il ne briguerait aucun poste électif en 2010.

De surcroît, à l'intérieur du PT des obstacles à un ticket PT/PMDB ne sont pas moins remarquables. L'enjeu ici est de rendre compatible la stratégie adoptée au niveau national et celle de chaque état fédéré qui doit élire aussi ces représentants en octobre. Puisque la loi électorale n'oblige pas la reproduction des alliances nationales (verticalização) les directions régionales des partis ont normalement la liberté de fixer leurs stratégies et d’établir leurs propres alliances. Cependant, Lula insiste sur les disputes locales qui ne doivent pas remettre en cause ni le projet national, ni la candidature de Dilma. C’est ainsi que dans le Rio Grande do Sul s’affronteront un candidat du PT (Tarso Genro) et un candidat du PMDB (José Fogaça), qui soutiendront tous les deux le ticket présidentiel Dilma/Temer.
Le dernier grand engagement de Dilma à l'intérieur du gouvernement a été le lancement du programme « PAC 2 », dont elle a exposé les grandes lignes le 29 mars lors d'un événement organisé en présence de nombreux politiciens et entrepreneurs. L'objectif du gouvernement est de planifier des investissements aux services d'aménagement, notamment dans les bidonvilles, pour un montant d’un milliard de reais (400 million d'euros).
Par ailleurs, le nom de Ciro Gomes (PSB) qui avait été crédité comme le second mieux positionné en mars 2008 est en chute libre. Il ne comptait que 11% en mars et il finalement se fait dépasser en avril. Bien que dans un cadre d'égalité technique, le PSB semble s'incliner à l'abadon d'une candidature propre en faveur d'une alliance avec le PT. La candidature verte de Marina Silva est proposée dans les sondages depuis fin 2009 et mobilise autour de 8% de l'électorat. En plus, après annoncer sa filiation au PV et sa volonté à disputer à la présidence elle connaisse une médiatisation assez important. En comptant 10% en avril, Marina se place comme le troisième nom dans la course présidentielle, quoique encore loin des candidats en tête, mais suffisant pour faire réviser les plans de Ciro Gomes et du PSB. Enfin, la série présente aussi le nom de Heloísa Helena (PSOL) qui était pressentie pour participer à la compétition mais qui a finalement décidé de briguer un poste pour le Sénat.

Un dernier point à souligner est le niveau de rejet suscité par les pré-candidats. C’est-à-dire la part de la population déclarant ne vouloir voter dans aucun cas pour un candidat. Le taux de rejet de Serra est passé de 19% à 25% entre décembre 2009 et février 2010. Dans la même période, ceux de Ciro et Dilma progressent de 18% à 21% et celui de Marina Silva de 17% à 19%. Le rejet de Dilma est plus fort dans la région Sud-Est (27%) et parmi les groupes dont les revenus dépassent 10 salaires minimums (40%). Parmi les populations les plus scolarisées, le niveau de rejet de Dilma est de 33% contre 30% pour Serra. Au niveau régional, le candidat du PSDB a son plus fort taux de rejet dans le Nord-Est (28%). Au niveau sociologique, c’est étonnamment parmi les plus riches que le taux de rejet de Serra est le plus élevé (33%). Ce niveau élevé de rejet chez les plus aisés et plus scolarisés, malgré un léger avantage de Serra, pourrait-il indiquer un discrédit des propositions du PSDB, de la personnalité de Serra, voire des classes politiques de la part des élites économiques brésiliennes ?
[1] Fin novembre 2009, une affaire de corruption est devenue public, concernant le sommet du pouvoir du District Fédéral. Le nom du gouverneur José Arruda étant au centre du scandale (Voir OPALC, Affaires de corruption du Brésil contemporain. http://www.opalc.org/web/images/stories/Corruption.pdf). Le 11 février il a été arrêté par la Justice et mis en garde à vue en raison de ses interférences dans les enquêtes (en essayent de corrompre les témoins de l'affaire). Malgré les mobilisations de la société civil et de l'opinion publique, la commission parlementaire qui s'occupe du cas n'a guère avancé et le procès d'impeachment du gouverneur n'a pas été voté, en raison des stratégies politiques adoptées par les alliés politiques du gouverneur. Cependant, une fois exclut du parti, Arruda a perdu son mandat lors d'une décision judiciaire, du 16 mars, en raison de sa dé-filiation partisane.
[2] La décision a été suspendue lorsque Kassab a fait appel (le 21 février) mais le procureur régional électoral vient d'émettre un avis, le 30 mars, en recommandant la cassation du Maire.
O Globo 22/02/2010: Justiça eleitoral suspende cassação de mandato de Kassab.

Folha de São Paulo 30/03/2010: Procuradoria recomenda manutenção da cassação de Kassab.
[3] Président du Sénat, Sarney est une pièce clé dans l'échiquier armé par le président Lula, soit dans l'arène parlementaire soit dans l'articulation de l'alliance avec le PT. Ce pragmatisme explique l'effort politique dépensé par Lula pour soutenir Sarney face aux dénonciations de corruption auxquelles il a fait face depuis fin 2009. Pour plus de détails voir: OPALC, Affaires de corruption au Brésil, op.cit.





vendredi 23 avril 2010

L'accord de Cochabamba



A l’initiative du président bolivien Evo Morales, la première Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre Mère s’est tenue cette semaine à Cochabamba. Composée de plus de 20000 représentants de divers pays, cette rencontre se voulait un lieu de rassemblement alternatif aux négociations sur le changement climatique entreprises par l’Organisation des Nations Unies.



Au lendemain de la fin de la Conférence Mondiale des peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre Mère, l’enthousiasme est de mise au sein de la délégation de participants. Si le sommet n’a eu que peu de couverture médiatique - en partie à cause des restrictions de vols dues au nuage de cendres en Europe - il a néanmoins permis d’afficher les ambitions d’une société civile internationale dynamique malgré sa relative exclusion de la conférence de Copenhague.


Les revendications portées par les mouvements sociaux et les organisations environnementales ont abouti sur une série de mesures qui devraient être présentées par Evo Morales et Hugo Chávez lors de la Conférence des Parties sur le Changement Climatique (COP 16) qui aura lieu à Cancún en novembre prochain.

Ainsi, l’accord de Cochabamba propose la création d’un tribunal international de justice climatique et environnementale dépendant du système des Nations Unies et ayant la compétence juridique de sanctionner Etats, multinationales et personnes physiques qui ne respecteraient pas les traités en vigueur. Deuxième proposition intéressante, la tenue d’un référendum mondial sur l’environnement le 22 avril 2011 - date symbolique puisque c’est le « Jour de la Terre » - qui consisterait en cinq questions sur le changement climatique et le système économique actuel.


D’autre part, Evo Morales a manifesté sa volonté de créer une Alliance Mondiale des Peuples de la Terre Mère qui regrouperait réseaux et organisations sociales. Ce rassemblement militerait pour un engagement des pays industrialisés à réduire leurs émissions de 50% par rapport aux niveaux de 1990, sur une augmentation de la température globale limitée à un degré et sur la reconnaissance des droits des réfugiés climatiques. En outre, « l'Accord des Peuples » projette la rédaction d’une Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère dans laquelle seraient notamment garantis les droits à la vie, à l’eau et à l’air pur.


Enfin, si ce sommet avait pour principal objectif de démontrer aux décideurs des pays dits « développés » qu’il ne fallait ni mépriser ni oublier la voix des mouvements sociaux, il a également permis de faire état de l’émergence d’un nouveau paradigme où le peuple devient peu à peu le décideur à part entière dans la lutte contre le changement climatique.


Accord des peuples

http://cmpcc.org/category/acuerdo-de-los-pueblos/


mercredi 14 avril 2010

La Chine s'installe en Amérique Latine

Selon les estimations de la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL), la Chine deviendrait l’un des principaux partenaires commerciaux du sous-continent américain d’ici à 2020. Ainsi, le géant asiatique supplanterait l’Union Européenne comme deuxième marché récepteur d’exportations latino-américaines.


Si la croissance des exportations de l’Amérique Latine vers les principaux marchés mondiaux se maintient à son niveau actuel, la Chine pourrait devenir le deuxième récepteur de flux commerciaux de la région, passant ainsi de 7,6 % du total des exportations en 2009 à 19,3% en 2020. L’Union Européenne, quant à elle, devrait se stabiliser aux alentours des 14% et devrait être dépassée par l’Empire du milieu dès 2015.

En effet, l’économie de l’Amérique Latine devrait dépendre de plus en plus du marché chinois dans les prochaine années. Preuve de cette influence croissante, la CEPAL prévoit une chute constante des exportations de la région vers les Etats-Unis (38,6% du total des exportations latinos en 2009 pour 28,4% en 2020).

Néanmoins, l’importance de la Chine varie beaucoup selon les pays. Ainsi, si le marché asiatique est prépondérant pour le Brésil, le Pérou, le Chili et l’Argentine, il ne représente que peu d’enjeu pour l’Amérique Centrale, à l’exception du Costa Rica. Dans le cas du Mexique, seul 1% de ses exportations se sont dirigées vers ce pays.

Le Chili reste un partenaire commercial stratégique du géant asiatique avec 13% du total de ses exportations et 11% de ses importations. Autre donnée intéressante, le Paraguay est devenu un marché très lucratif avec 27% de ses importations provenant de Chine.

Pour ce qui est des importations latino-américaines, la CEPAL réalise le même constat. La Chine devancera l’Europe en tant que deuxième région importatrice de biens en Amérique Latine au cours de la prochaine décennie. Le capital chinois pénètrera de manière exponentielle le sous-continent, tout comme le volume des appareils électroniques, du textile et de la machinerie.

Cependant, la demande chinoise se concentre principalement sur les matières premières. L’Amérique du Sud est la principale bénéficiaire de ces échanges. Si elle n’a pas sombrée dans une crise économique insurmontable, c’est en partie dû à la croissance des exportations en hydrocarbures, aliments, métaux et minerais vers la Chine. De l'autre côté, le Costa Rica, le Mexique et le Salvador ont vendu de grandes quantités de produits manufacturés de haute technologie à l’Empire Céleste.

Au cours des prochaines années, le sous-continent américain devrait diversifier ses exportations et améliorer le terme de ses échanges commerciaux avec la Chine. Etant donné la taille du marché chinois, un effort de coordination régionale devra être fait pour que l’Amérique Latine profite de l’incroyable dynamisme de l’économie asiatique.

dimanche 11 avril 2010

Mémoires de la Dictature Argentine

Après 27 ans du retour à la démocratie, l'Argentine est encore en train d'esquisser les mémoires de la dernière dictature. Le thème est toujours sensible comme démontre les déclarations de l'ex-président Eduardo Duhalde (PJ) pour qui il fallait arrêter les poursuites judiciaires et oublier le passé pour reconstruire la cohésion sociale. Une propose difficile à accepter quand on se rappelle qu'au cours des huit ans du « processus », appellation à laquelle les militaires eux-mêmes se sont octroyée, plus de 30.000 personnes sont portées disparues. Les fractures et blessures restent toujours ouvertes dans la société.


Un reportage paru ce dimanche (11/04) dans le quotidien Página/12 lance un peu de lumière sur l'un des aspectes qui restent toujours ombreux dans cette histoire: le rôle de l'Église catholique. Entre documents et témoignes, le texte signé par le journaliste Horacio Verbitsky décrit la méfiance du haute clergé vis-à-vis aux prêtes qui se maillaient entre les villes populaires et que furent accusés d'être des guérilleros et hérétiques. Au sein de la fièvre anti-communiste, tout ce qui s'approche du peuple est classé subversive et menace le régime.

Bien que la hiérarchie eût connaissance de la réelle activité des prêtes, qui n'avaient aucun rapport aux groupes de résistance armée, elle ne les a pas défendu comme avait été promu, et au contraire, a alimenté les soupçons des militaires. Enfin, mai 1976, les jésuites Francisco Jalics et Orlando Yorio, d'autres quatre catéchistes et deux de leurs époux ont été arrêtes, conduis à l'École de Mécanique Navale (ESMA) et torturés. Depuis cinq mois d'otage les deux jésuites ont été libérés, les autres ont disparu.

En 1995, Jalics a publié une ouvrage, où il raconte son expérience:
“mucha gente que sostenía convicciones políticas de extrema derecha veía con malos ojos nuestra presencia en las villas miseria. Interpretaban el hecho de que viviéramos allí como un apoyo a la guerrilla y se propusieron denunciarnos como terroristas. Nosotros sabíamos de dónde soplaba el viento y quién era responsable por estas calumnias. De modo que fui a hablar con la persona en cuestión y le expliqué que estaba jugando con nuestras vidas. El hombre me prometió que haría saber a los militares que no éramos terroristas. Por declaraciones posteriores de un oficial y treinta documentos a los que pude acceder más tarde pudimos comprobar sin lugar a dudas que este hombre no había cumplido su promesa sino que, por el contrario, había presentado una falsa denuncia ante los militares”. En otra parte del libro agrega que esa persona hizo “creíble la calumnia valiéndose de su autoridad” y “testificó ante los oficiales que nos secuestraron que habíamos trabajado en la escena de la acción terrorista. Poco antes yo le había manifestado a dicha persona que estaba jugando con nuestras vidas. Debió tener conciencia de que nos mandaba a una muerte segura con sus declaraciones”.


La personne en question, était le prête Jorge Bergoglio provincial de la Compagnie de Jésus entre 1973 et 1979 et actuel archevêque de Buenos Aires qui a nie toujours avoir contribué avec les militaires dans cet épisode.



Voir les reportages complètes (en espagnol):
Mentiras y calumnias: http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-143710-2010-04-11.html
Operación cónclave: http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-143711-2010-04-11.html

jeudi 25 mars 2010

La Révolution verte en Amérique Centrale



Depuis la publication du Rapport Stern en octobre 2006, le débat sur le changement climatique a pris une nouvelle dimension. Ce papier, premier d’une longue série et écrit par un profane des thèses environnementalistes, a permis de sensibiliser les décideurs internationaux sur l’urgence de la situation. Selon le spécialiste de sa Majesté, un investissement de seulement 1% du PIB mondial serait suffisant pour contrecarrer les effets du réchauffement global sur l’économie.

Si l’échec retentissant de la Conférence de Copenhague, fin 2009, a laissé flotter le doute sur un engagement politique fort des puissances occidentales, le résultat des dernières élections régionales en France démontre l’intérêt croissant que porte l’opinion publique sur ce sujet. Le retrait du projet de « taxe carbone » prouve ainsi le fossé qui se creuse entre une société civile soucieuse et une classe politique laxiste.

Il est pourtant des régions où le dossier avance à grands pas. Preuve en est en Amérique Centrale où la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL) a lancé un vaste projet sur « l’économie du changement climatique ». Pourquoi choisir une telle région me direz-vous ? L’isthme centraméricain est le symbole du réchauffement climatique : près de 7% de la biodiversité du globe terrestre pour moins de 0,5% d’émissions de carbone
[1]. De par sa position géographique et sa fragilité économique, l’Amérique Centrale est l’une des régions les plus vulnérables face aux désastres naturels. Depuis 1930, les experts ont recensé près de 250 évènements extrêmes, comprenez par-là ouragans, inondations, sécheresse et séismes. Le seul souvenir de l’ouragan Mitch en 1998, qui avait provoqué la disparition de plus de 10000 personnes du Mexique au Panama, permet de mieux appréhender le problème. Non seulement l’économie de ces pays est mise à mal par des phénomènes climatiques récurrents, mais surtout, la population subit de graves pertes matérielles et humaines, en majorité irréversibles. On estime qu’au cours des huit dernières années, le coût annuel des catastrophes liées au changement climatique s’élève à la somme faramineuse de 1875 millions de dollars.[2]

Le projet de la CEPAL est ambitieux : faire prendre conscience aux hommes politiques centraméricains de l’importance de l’enjeu de l’environnement pour le développement humain et économique de la région. Si le défi semble difficile à relever, la CEPAL part en terrain conquis. L’isthme centraméricain est l'un des pionniers en termes d’intégration des politiques environnementales. Depuis plus de 20 ans, la Comisión Centroamericana de Ambiente y Desarrollo (CCAD) et le Sistema de Integración CentroAmericano (SICA) s’efforcent de promouvoir le développement durable et l’internalisation des coûts environnementaux à l’économie centraméricaine. Le Costa Rica est sans doute le pays le plus avance sur ce sujet. En 1997, il est devenu le premier pays en développement à imposer une « taxe carbone » à ses concitoyens
[3], et selon certaines sources, il sera le premier pays neutre en carbone d’ici à 2021[4].


Ainsi, l’Amérique Centrale est l’une des seules régions du monde à avoir adoptée une position commue à la Conférence de Copenhague sur le changement climatique.

Les principales revendications de la position commune portaient sur :

- la fixation d’une limite à l’augmentation de la température globale à 1,5°C,
- la réduction de 45% des émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2020 et 95% d’ici à 2050,
- la responsabilité partagée mais différenciée sur le plan national et international,
- la mise en place d’une justice environnementale,
- la promotion d’une gouvernance qui permettre d’atteindre les Objectifs Du Millénaire,
- le financement, de la part des pays développés, de projets de lutte contre le changement climatique
- la promotion de l’initiative ERDD de lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts.

Cela n’empêche que les scénarios de la CEPAL et du Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique (IPCC) sont peu encourageants. La température moyenne en Amérique Centrale devrait augmenter entre 1,8 et 5°C d’ici à 2099, les précipitations devraient diminuer de 9% sur la même période malgré des prévisions à la hausse des phénomènes pluvieux extrêmes. L’agriculture ne sera pas épargnée par les effets du changement climatique, le rendement de production des grains basiques (maïs, haricot rouge et riz) tendant à baisser de manière significative.

La solution à ces inquiétudes repose aujourd’hui sur la réussite ou l’échec des futures négociations. Même si des progrès considérables ont été réalisés au cours des dernières années, les dirigeants centraméricains attendent un engagement fort de la part des membres du G8 lors la prochaine conférence sur le changement climatique qui se tiendra au Mexique.




Pour plus d'informations, consultez le site de la CEPAL: http://www.eclac.org/mexico/cambioclimatico/index.html



[1] “La economía del cambio climático”, Presentación base, p.11, CEPAL, DFID, CCAD, México, Décembre 2009.

[2] “La economía del cambio climático”, Presentación base, p.10, CEPAL, DFID, CCAD, México, Décembre 2009.

[3] Discours de Jorge Rodríguez Quiros devant la XVème Conférence de la Convention Cadre de l’ONU sur le changement climatique, Copenhague, 18 décembre 2009.

[4] “Carbono neutral: polémica en Costa Rica”, BBC World, Gilberto Lopes, San José, 14 août 2009.