vendredi 27 mars 2009

23 mars 2009 - 130ème commémoration de la Guerre du Pacifique en Bolivie


Lundi dernier, les principales villes de Bolivie « célébrèrent » le Jour de la Mer (el Dia del Mar) avec défilés militaires et discours de commémoration et de revendication à la clé. Evo Morales s’est notamment adressé à la population à La Paz.


23 Mars 1879 : la Bolivie livra sa première bataille contre le Chili, après que celui-ci lui ait déclaré la 14 février 1879. La raison ? La mise en place côté bolivien d’une taxe de 10 centimes sur chaque quintal de salitre extrait par une compagnie britano-chilienne sur son territoire.
La guerre du pacifiq
ue mit en scène le Pérou et la Bolivie, alliés grâce à un traité d’Alliance défensive signé le 5 avril 1873, contre le Chili. Les deux nations furent vaincues et de fait dépossédées de terres. Conséquence : la Bolivie perdit la totalité de son littoral pacifique. De fait, la Bolivie a perdu plus d’un million de km² de superficie au cours de son histoire (soit deux fois la France et plus de la moitié du territoire actuel bolivien) au fil de guerres contre le Brésil (1860, 1867, 1903, 1958), le Chili (guerre du pacifique 1879) ou encore le le Paraguay (Guerre du Chaco en 1935). Par la voie diplomatique, le pays se vit aussi dépossédé de terres au profit du Pérou (1909) et de l’Argentine (1897).

Malgré ces pertes territoriales conséquentes contre tous ses voisins limitrophes, c’est la Guerre du Pacifique qui est aujourd’hui l’objet d’une immense rancœur pour des raisons géopolitiques évidentes. Clairement, la perte de littoral est vue comme une des raisons principales des difficultés économiques du pays.

Depuis 130 ans, la Bolivie n’a cessé de revendiquer un accès à la mer, en vain. Plusieurs fois, les ennemis historiques ont été proches d’une solution (1884, 1889, 1904 – par peur d’une « overdose » de faits historiques, je ne vais pas détailler). Depuis 1962, les relations diplomatiques entre les deux pays sont inexistantes, à l’exception notable d’un interlude dans les années 70 grâce aux affinités idéologiques que partageaient les dictateurs Hugo Bánzer et Augusto Pinochet (un accord de « troc » de terre fut quasiment atteint en 1975 mais échoua à cause du Pérou - depuis 1929 en vertu d’un Traité avec le Chili, le Pérou doit approuver toute cessation de territoire de la zone concernée à un pays tiers).

L’arrivée en 2004 d’Evo Morales à la présidence, coïncidant avec l’accession de Michelle Bachelet au pouvoir au Chili, suscita de grands espoirs du côté Bolivien. De l’avis des experts, jamais les relations entre les deux pays n’avaient été si constructives. Les deux nouveaux chefs d’Etat se mirent d’accord sur l’établissement d’un agenda bilatéral de 12 points où la question du littoral pacifique occupe une place centrale. Sans pour autant rétablir les relations diplomatiques, les chefs d’Etat se rencontrèrent à maintes reprises afin de faire avancer le dossier. Morales misa sur une stratégie inédite : la diplomatie à voies multiplies. A savoir qu’au-delà des pourparlers politiques, les deux peuples devaient eux aussi initier des rapprochements. Se mirent ainsi en place des collaborations de type académique (historiens tentant d’écrire une histoire de la Guerre du Pacifique commune pouvant être enseignée dans les deux pays) ou encore économiques (par le biais d’entrepreneurs). En outre, le droit de l'accès à la mer est décrit comme un droit inaliénable du peuple dans la nouvelle constitution votée en janvier 2009.

L’établissement d’une confiance mutuelle a conduit à certaines avancées non négligeables. Par exemple, depuis le début de cette année, le Chili verse une compensation mensuelle de 500 000 $, reconnaissant le dommage causé suite au détournement du fleuve Silala au XIXème siècle. Autre évènement symbolique et impensable il y a une quinzaine d’année : l’hommage rendu par les forces armées chiliennes au héros national bolivien Eduardo Avaroa le 23 mars 2007.

En dépit de cela, nombre de commentateurs fustigent la mauvaise foi chilienne en affirmant qu’il n’a jamais été question pour eux de restituer un territoire côtier à la Bolivie, malgré la mise en place d’un agenda bilatéral. Evo Morales est lui aussi mis en cause du fait de son « manque de stratégie, de sa « candeur » démesurée, de son manque d’expérience de connaissance du dossier et de professionnalisme » (comme le déclara Javier Murillo, ex ministre des affaires étrangères) vis-à-vis de l’ennemi historique. De fait, l’opposition politique affirme l’inexistence de propositions concrètes de résolution du dossier (nombreuses sont les théories : port sous administration commune, enclave avec ou sans souveraineté, corridor de la frontière bolivienne à la mer, en gardant toujours à l’esprit que l’accord doit être donné par le Chili, la Bolivie, mais aussi le Pérou).

De son côté, le chef de l’Etat, dans son discours à la nation, a mis en avant l’existence de deux verrous dans le dossier. Il a d’une part mis en cause les « ennemis intérieurs » en faisant référence à des propos tenus par l’opposition de Santa Cruz dans un quotidien chilien. Celle-ci affirmait en effet ne pas vouloir que Morales résolve de dossier par peur de la popularité dont il bénéficierait le cas échéant ( !). Même face à un ennemi commun, l’unité nationale n’est pas à l’ordre du jour.
Il a, d’autre part, fustigé la saisine de la Cour Internationale de Justice (CIJ) par le Pérou il y a une dizaine de jour, celui-ci revendiquant … une partie du territoire perdu il y a 130 ans. Les relations entre les deux pays sont au plus bas depuis. Alan Garcia (président préuvien) a affirmé il y a deux jours que le dossier du littoral bolivien était clos, tandis que Morales lui a répondu hier que sa saisine avait pour objectif de faire oublier son bilan calamiteux tout en ajourant qu'il était ... gros. La CIJ peut éventuellement affirmer que la Bolivie n’a aucun droit lors du verdict rendu, ce qui ferait jurisprudence et anéantirait tout espoir bolivien. Le ministre des affaires étrangères, David Choquehuanca, n’a d’ailleurs pas exclu de saisir lui aussi la CIJ en réaction aux agissements péruviens.

En résumé, depuis 2004, le dossier a clairement avancé, grâce à la mise en place d’un agenda bilatéral. Cependant, les négociations sont apparemment au point mort (fait démenti par Morales). Aujourd’hui, on assiste à une conjoncture de faits défavorables : une grande tension couplée à un manque de stratégie en Bolivie, un affaiblissement du pouvoir chilien (Michelle Bachelet est en fin de mandat, sans réelection possible, et sa popularité dans son pays est médiocre) et un fait récent international qui n’arrange rien (la saisine de la CIJ). Il faudra attendre les prochaines élections chiliennes (décembre 2009) ainsi que le verdict de la CIJ pour un éventuel avancement. Rendez vous donc le 23 mars 2010 pour faire un nouveau point.

Sources : WIkipedia, Los Tiempos (édition du 23, 24 et 25 mars), OH ! (édition du 21 mars, interview avec le diplomate bolivien Fernando Salazar).


3 commentaires:

  1. Encore un article de notre magistral chroniqueur sur place, Pierre-Jean Brasier! jajaja
    Tu vas devenir expert ès-Bolivie!

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  2. On peut, néanmoins, remarquer que sous la présidence d'Evo Morales, un différant vieux de plus de 50ans a été réglé avec le Paraguay, avec le rétablissement des relations diplomatiques.

    Il y a certaines tentions entre le gouvernement de Bolivie et celui du Pérou, mais le président péruvien ne va sûrement pas être réélu à la fin de son mandat (si il arrive à le terminer), alors qu'Evo Morales est presque sûre d'être réélu à la fin de l'année.

    Je pense que le temps joue en sa faveur.Rendez-vous l'année prochaine pour voir si la situation devient favorable.

    Tristan

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  3. BOLIVIE, ESPOIRS ET QUOTIDIEN A TOULOUSE Exposition de photographies

    De ses 3 années passées en Bolivie, c’est un témoignage qu’Alex Finestres nous rapporte. Un témoignage historique. Un témoignage du quotidien.

    Les clichés de l’investiture du premier président d’origine amérindienne, Evo Morales, par les autorités religieuses aymaras en 2006 côtoient celles d’anonymes, hommes, femmes et enfants, pris au gré des moments de la vie de tous les jours.

    La profusion d’une célébration qui restera dans l’histoire, l’épurement du quotidien de la population.
    Le photographe révèle et confronte ce qui fait la réalité d’un pays, le faste et l’humble, les grands et les petits instants, toujours liés par la tendresse et la sincérité du regard.



    Instantanés de la vie quotidienne

    Les petits détails insignifiants de la vie sont peut-être ceux qui en disent le plus sur un pays, une culture, et le quotidien de ses habitants. Le vécu est fait d’instants furtifs, à l’image de ces clichés glanés au hasard des rues.

    Du 8 au 26 mars - Bibliothèque universitaire de l’Arsenal - 11 rue des Puits-Creusés

    Du lundi au vendredi de 8h30 à 19h et le samedi de 9h à 12h30 - Entrée libre et gratuite



    Espoirs et quotidien

    Une invitation à découvrir à travers l’objectif du photographe « des évènements, des lieux, des pistes, pour comprendre la société bolivienne.» Ses éléments les plus emblématiques : « l'éducation, les mines, les fêtes, le deuil, les traditions, la religion » ; Les conflits qui soulèvent la population, l’instabilité politique, la corruption, les revendications des minorités ethniques… Mais avant tout, une invitation à se concentrer sur ce qui rassemble, et à « partager la table, la chicha, et un moment d'intimité ».

    Vernissage le 18 mars à 18h en présence de l’artiste

    Du 9 mars au 30 avril - Galerie Palladion - 19 rue de la Colombette

    Du mardi au samedi de 14h30 à 19h00 et le dimanche de 10h à 13h - Entrée libre et gratuite



    Tiwanaku : l'investiture d'Evo Morales par les autorités aymaras

    Le premier président indigène, reçoit le « bâton de commandement » la veille de son investiture officielle au parlement. Il lui est remis par les autorités religieuses aymaras lors d'une cérémonie traditionnelle inédite depuis plus d’un demi-siècle, qui se déroule sur le site millénaire de Tiwanaku, à 3885m d'altitude.

    Du 17 au 26 mars - école Supérieure d’Audiovisuel, Tour Maurand - 56 rue du Taur

    Du lundi au vendredi de 8h30 à 1h30 du matin et le samedi de 14h à 18h - Entrée libre et gratuite




    Conférence


    La Bolivie (au-delà) des clichés: comprendre le regard contemporain sur l’«indianité»



    Verushka Alvizuri est enseignant-chercheur à l’université Bordeaux III, et spécialiste de l’histoire de l’ethnicité en Amérique latine. Les photographies d’Alex Finestres lui donneront l’occasion d’examiner le caractère construit de l’ « indianité », et de montrer que ce sont avant tout les discours et les pratiques qui fondent les différences ethniques.

    Lundi 15 mars, 17h30 - Manufacture des Tabacs, Amphi B IV, 21 allée de Brienne - Entrée libre et gratuite


    Projection



    Campesinos - Histoire(s) d'une résistance

    Un film français de Sarah Pick et Fabien Lacoudre, 2009, durée :102 min, VOSTF

    Lundi 15 mars, 18h30 - Manufacture des Tabacs, Amphi B IV, 21 allée de Brienne - Entrée libre et gratuite



    Lecture de poésie


    Guillermo-Augusto Ruiz est un jeune poète et écrivain bolivien, qui a été récompensé en 2007 par le prix national de poésie Yolanda Bedregal. Il réside aujourd’hui en France, et à l’occasion de la journée mondiale de la poésie, il s’installera au cœur de l’exposition « Espoirs et quotidien » pour une lecture commentée de poésie bolivienne contemporaine et d’extraits de son œuvre.

    Dimanche 21 mars, 11h - Galerie Palladion, 19 rue de la Colombette - Entrée libre et gratuite

    http://bolivie-espoirsetquotidien.over-blog.com

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