lundi 11 mai 2009

Le fabuleux mandat de Rafael Correa



Le 26 avril dernier, Rafael Correa a été réélu dès le premier tour à la Présidence d'Equateur, en remportant 51,9% des voix, devançant de plus de 20 points son principal concurrent, l'ex-président putschiste Lucio Guttierez. Le destin politique de ce jeune économiste de 46 ans relève du conte de fée électoral.

Il était une fois un jeune économiste

Après avoir fondé son propre mouvement «contra la partidocracia »[1] en 2006, Correa l'outsider est élu Président de la République à la surprise générale. Dans sa lancée, il fait approuver par référendum la formation d'une constituante, puis fait voter sa nouvelle constitution par référendum un an et demie plus tard, en Novembre 2008. Enfin, il décide d'avancer les échéances électorales générales à Avril 2009 afin de mettre en œuvre les changements voulus par sa nouvelle Constitution. Le 26 avril dernier, cette saga électorale a connu un heureux dénouement avec sa réélection triomphale. Néanmoins, il ne faut pas se laisser éblouir par cette idylle politique car le carrosse a tôt fait de se changer en citrouille...

Une campagne inéquitable et sans idées

Si le succès est triomphal, la campagne a brillé par sa médiocrité. Tout au long de la campagne, le Président n'a cessé d'occuper le devant de la scène que ce soit a travers la propagande de son “Mouvement” Alianza Pais, les spots du Gouvernement ou les vitupérations de ses opposants. Aucune place n'a été laissée au débat d'idées et les candidats se sont montrés plus prolixes en insultes qu'en propositions.

En outre, il faut déplorer un manque de transparence et d'équité dans la promotion des candidatures, le Gouvernement abusant souvent d'espaces et de fonds publics pour promouvoir ses propres candidats. Le Conseil National Electoral (CNE) a du rappeler à l’ordre à plusieurs reprise l’impétueux Président pour abus de temps d’antenne. En effet, celui-ci utilisait son programme hebdomadaire, Cadena Radial, pour promouvoir sa réélection et traiter ses opposants de “voleurs”, “d’irresponsables” ou de “médiocres”. Après trois semaines d’admonestations, le Prédisent-candidat a daigné se plier au règlement.

Enfin, à quelques jours du scrutin, le gouvernement a fait parvenir à ses candidats des caisses de fertilisants agricoles destinées à être distribuées à la population, promouvant ainsi ses candidats avec du matériel payé par des fonds publics[2]. La “révolution citoyenne” de Correa n’a donc pas liquidé l’héritage clientéliste des caudillos qui offraient boissons et ripailles à la populace pour s’assurer leurs faveurs électorales. Une amélioration cependant : le trago[3] a été remplacé par du matériel agricole…

Entre conte de fée et décompte mal fait

Le 26 Avril à 19 h, les télévisions et radios annonçaient que Correa avait remporté l’élection présidentielle dès le premier tour avec 56% des voix; en outre, son Mouvement remportait 61 députés sur un hémicycle de 123 députés[4]. Une telle rapidité dans le comptage des voix a de quoi surprendre, surtout quand on sait que ce jour là les équatoriens votaient pour 8 mandats politiques différents[5]. Et pour cause, les chiffres annoncés provenaient d’un organisme de sondage, Participacion Ciudadana, financé par le gouvernement! Deux jours plus tard, le Président ne comptait plus qu'avec 51,9% des voix et 51 députés...

Face à de telles imprécisions et à un retard conséquent dans le décompte des voix, le chef de l'opposition, Lucio Guttierez, a parlé de «fraudes électorales» et les salles de comptage ont été envahies par des partisans de l'opposition dans plusieurs villes du pays. Malgré tout, les observateurs de l'Organisation des Etats Américains (OEA) et de l'Union Européenne ont qualifiés le scrutin de normal et bien organisé.

Un nouveau chapitre s'ouvre

La réélection de Rafael Correa est la conclusion logique d'un scénario écrit de sa propre main il y a trois ans. Après avoir préparé le terrain au cours de trois ans de campagne permanente, il va pouvoir se mettre au travail. Son élection suscite beaucoup d'espoirs et de craintes, reste à savoir si sa pratique agressive du pouvoir survivra à l'épreuve du temps.

Article rédigé par Alexandre Pierrin



[1] Contra la partidocracia”: “Contre la particracie”, c'est à dire la main mise des parties politiques sur la vie publique.

[2] Source: El Universo, 28/04/09

[3] Trago: Gnole

[4] Source: El Comercio, 27/04/2009

[5] Président de la République, Députés nationaux, Députés provinciaux, Préfets, Maires, Conseillers Municipaux Urbaines, Conseillers Municipaux Ruraux.

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