L'anticipation des résultats, à la fois instrument indispensable de l'aide à la décision des équipes de campagne et une véritable obsession des mass medias, est offerte par des sondages désormais mensuellement publiés. Les données présentées dans le tableau ci-dessous illustrent une certaine stabilité de José Serra qui oscille entre 38% et 36% depuis mi-2009, bien qu'il ait atteint le maximum de 41%. Depuis longtemps, Serra était contraint par ses alliés à annoncer sa candidature, car on supposait que cela pourrait freiner la monté de la candidate opposante et améliorer son propre positionnement dans les sondages. Toutefois, Serra estimait qu'une présentation prématurée l'engagerait dans un débat public avec un président très populaire, sans produire de réels bénéfices électoraux. Début avril, entre les larmes, les critiques au gouvernement fédéral et la présentation du bilan de sa gestion, José Serra a laissé le poste de gouverneur de l'état le plus puissant du pays avec une cote de popularité de 55%. Le sondage d'avril, premier depuis l'officialisation de sa candidature (achevée le 10 avril) n'illustre pas d'altération significative dans les intentions de vote.
D'autre, le ticket présidentiel du PSDB n'est toujours pas défini. Jusqu'à la fin 2009 on pressentait les gouverneurs Aécio Neves (Minas Gerais) et José Serra (São Paulo) comme les possibles pré-candidats. La candidature de José Serra à la présidence a finalement été acceptée. Pressenti pour être candidat à la vice-présidence, Aécio Neves manifeste toutefois sa préférence pour un poste de sénateur (pour lequel les risques de défaites sont moindres et le mandat est de huit ans…). Ainsi, le nom pour compléter la formule pourrait venir de son allié, le DEM, mais les obstacles ne sont moins remarquables. Premièrement, il lui manque des options viables au niveau de son personnel politique. Quoique le nom de José Arruda ait été évoqué, celui-ci a été exclu du jeu politique après le scandale de corruption au District Fédéral [1]. Quant au sénateur Marco Maciel (PE), ex-vice président de Fernando Henrique Cardoso, il pourrait attirer une mauvaise cote en facilitant la stratégie du PT à comparer les gestions de Lula et de FHC. Et finalement Cesar Maia (RJ) et Paulo Souto (BA) avancent d'autres projets politiques. Deuxièmement, le parti est fortement ébranlé par les scandales de corruption concernant José Arruda, et plus récemment la décision de la justice pour la cassation du mandat de Gilberto Kassab, soupçonné d'avoir reçu un financement illégal pour sa campagne du 2008[2]. En somme, l'actuel positionnement du DEM contraint énormément sa marge de négociation et sa capacité de pression sur son allié.
Dans ce cadre incertain, un plan B est cours de s'esquisser. Une alternative serait le sénateur Tasso Jereissati (PSDB), entrepreneur et ancien gouverneur du Ceará (1987-1991 puis 1995-2002), qui pourrait faire un contrepoids à la base électorale du PT dans le Nordeste du pays. Plus récemment, certains dirigeants du parti ont discuté le nom de la sénatrice Marisa Serrano (MS), vice-présidente du PSDB, afin d'apporter un visage féminin au ticket.
Pendant ce temps, le PT avançait dans l'articulation de ses accords régionaux et la ministre Dilma Rousseff croissait dans les sondages d'intention de vote. La différence entre Dilma et Serra avait été proche de 30 points en mars 2009 et s'est réduite à seulement 4 points en mars 2010 (égalité technique) en allumant alors un signal d'alerte pour le PSDB. Ce resserrement se confirme en avril 2010.
L'enjeu est d'autant plus significatif que, en dépit de la crise internationale, l'approbation de son gouvernement est croissante depuis mars 2009, pour arriver à 76% lors du dernier sondage (voir données ci-dessous). À cet égard, 42% de l'échantillon du sondage affirme vouloir voter pour la candidate soutenue par Lula et 26% se déclarent indécis. L'un des défis du PT consiste encore à diffuser l'image de Dilma comme candidate liée à Lula, car seuls 59% des personnes interrogées déclarent savoir qu'elle est soutenue par le Président (pourcentage qui était de 52% en décembre 2009). D'ailleurs, c'est justement auprès de la population à plus faibles revenus et niveaux d'étude, un électorat plus propice à voter pour Lula, que Dilma est moins la connue (49%). Ce malgré une progression de 8 points depuis fin 2009. Les mouvements en arrière scène sont également très intenses pour composer le ticket présidentiel et désigner le candidat à la vice-présidence de Dilma. La stratégie des dirigeants du PT consiste à reproduire dans l'arène électorale l'alliance parlementaire avec le PMDB, ce qui impose un certain nombre d'obstacles à surmonter. Le PMDB a entériné son soutien au PT dès le premier tour pour l’élection présidentielle. Mais la proximité avec le PT était loin de faire l'unanimité au sein du PMDB, et trois lignes différentes s’étaient esquissées. La première, soutenue par Orestes Quércia (SP) et Jarbas Vasconcelos (PE), était favorable à une alliance avec le PSDB. Deuxièmement, un secteur n'écartait pas l'idée d'une candidature propre en suggérant le nom du gouverneur du Paraná Roberto Requião. Enfin, l'option de l'alliance autour de Dilma était défendue par des leaders importants comme José Sarney [3], président du Sénat, et Michel Temer, président de la Chambre de députés candidat le plus probable la vice-présidence. Quoiqu'une décision officielle ne soit pas annoncée avant la convention nationale en juin prochain, après la réélection de Temer à la présidence du parti, les doutes semblent depuis début février définitivement dissipés autour d'un ticket PT-PMDB. L'enjeu est désormais de trouver un nom fort pour que l'alliance soit la plus égalitaire possible, autrement dit, pour qu'elle garantisse un partage des postes le plus favorable possible au PMDB dans en ce qui concerne les portefeuilles ministériels et dans les entreprises publiques. Si le nom du président de la Banque Centrale, Henrique Meirelles, a été pressenti (il pourrait équilibrer la tendance plus à gauche de Dilma, en offrant des signales positifs au marché) c'est Michel Temer est le mieux positionné. Cette option s’est d’ailleurs confirmée le 3 avril, lorsque Henrique Meirelles a – tardivement – annoncé qu’il ne démissionnerait pas de son poste de président de la Banque Centrale et qu’il ne briguerait aucun poste électif en 2010.
Un dernier point à souligner est le niveau de rejet suscité par les pré-candidats. C’est-à-dire la part de la population déclarant ne vouloir voter dans aucun cas pour un candidat. Le taux de rejet de Serra est passé de 19% à 25% entre décembre 2009 et février 2010. Dans la même période, ceux de Ciro et Dilma progressent de 18% à 21% et celui de Marina Silva de 17% à 19%. Le rejet de Dilma est plus fort dans la région Sud-Est (27%) et parmi les groupes dont les revenus dépassent 10 salaires minimums (40%). Parmi les populations les plus scolarisées, le niveau de rejet de Dilma est de 33% contre 30% pour Serra. Au niveau régional, le candidat du PSDB a son plus fort taux de rejet dans le Nord-Est (28%). Au niveau sociologique, c’est étonnamment parmi les plus riches que le taux de rejet de Serra est le plus élevé (33%). Ce niveau élevé de rejet chez les plus aisés et plus scolarisés, malgré un léger avantage de Serra, pourrait-il indiquer un discrédit des propositions du PSDB, de la personnalité de Serra, voire des classes politiques de la part des élites économiques brésiliennes ?
O Globo 22/02/2010: Justiça eleitoral suspende cassação de mandato de Kassab.
Folha de São Paulo 30/03/2010: Procuradoria recomenda manutenção da cassação de Kassab.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire