vendredi 10 avril 2009

La Crise mondiale fait des vagues au Brésil

Quelques jours après le G20, qui affichait l'ambition de répondre à la crise économique mondiale qui a éclatée en septembre 2008 (mais qui avait commencée bien longtemps avant déja), on peut s'interroger sur l'impact de cette crise au Brésil.

D'un côté, le président Luis Inacio Lula da Silva, en fonction depuis 2003, a présenté cette crise comme une "vaguelette", affichant un optimisme basé sur la forte croissance brésilienne depuis 2005, la consolidation d'un marché intérieur, la création d'un stock important de devises ainsi que la diversification des partenaires commerciaux. Cette optimisme peut aussi être assimilé au besoin de créer un climat de confiance pour éviter une spirale spéculative négative. L'opposition a immédiatement critiqué la minimisation de la crise de la part du gouvernement, ainsi que la modestie de la réponse gouvernementale : réductions d'impots pour le secteur automobile, plan de construction de logements, attisant également la venue d'une crise de plus grande ampleur.

Pour certains, notamment The Economist [1] , ce sont les archaismes de l’économie brésilienne qui expliqueraient un impact moindre de la crise internationale, comme l’importance de l’économie informelle par exemple, il n’y aurait donc pas de quoi fanfaronner.

Il faut rappeler que la plupart des partis brésiliens ont déja en ligne de mire la prochaine élection présidentielle en 2010, pour trouver un successeur à Lula, qui ne peut pas effectuer plus de deux mandats consécutifs. L’analyse de la plupart des postures et des opinions exprimées doit donc prendre en compte les stratégies pour la course à la présidentielle.

Par exemple, le plan gouvernemental de construction de logements, d'un montant de 12 milliard d'euros pour 1 millions de logements, ne prévoit pas de délais précis, ce qui est vu comme une operation de communication de la part du gouvernement fédéral et du PT (le Parti des Travailleurs, le parti de Lula, au pouvoir au sein d'une coalition), mais sans garanties de réalisation, selon l'opposition. Postures mises à part, on peut considérer que trois crises touchent actuellement le Brésil :

- Une crise financière, qui se manifeste par une baisse du cours du réal (la monnaie brésilienne depuis 1994), qui connaissait une phase de hausse depuis 2003 et une baisse des investissements étrangers effectués au Brésil en provenance des Etats-Unis et des pays européens affectés par la crise. De plus, le crédit se raréfie, bien qu’il soit déja assez faible au Brésil (en raison de taux d’intérêts très élevés).

- Une crise économique ensuite, dans le secteur externe, qui même si il ne représente que 13% du PIB, est responsable de l’augmentation spectaculaire des excédents de la balance commerciale ces dernières années et qui est touché par la réduction des importations de la part des pays du Nord, mais également des autres pays émergents, comme la Chine. La baisse du prix des matières premières agricoles et minières affecte également le résultat de la balance commerciale brésilienne, autant qu’ils avaient contribués à sa bonne santé ces dernières années.

Dans le secteur interne, la baisse de 3,6% du PIB au dernier trimestre de 2008 et la création d’un demi-million de chomeurs supplémentaires témoigne de la difficulté de certaines entreprises (notamment les filiales des industries automobiles en difficulté dans leur pays d’origine, comme Général Motors par exemple). Pour 2009, les prévisions gouvernementales qui visaient encore en septembre dernier une croissance de 4,5%, ont étés revues à la baisse, soit 1,2%.

- On peut enfin définir une crise stratégique, en rapport avec les choix du gouvernement Lula, et qui sont mis en difficulté avec la crise économique. Premièrement, la « diplomatie de l’éthanol » mise en place depuis 2006 et qui vise à libéraliser et étendre la commercialisation des biocarburants pour lesquels le Brésil est très compétitif, se voit handicapée par la baisse des prix mondiaux du pétrole, qui rendent moins attrayant les biocarburants (ceci succédant à une campagne contre les biocarburants lancée pour des motifs écologiques et moraux en 2007).

Deuxièmement, la diplomatie brésilienne a mise en avant depuis 2003 la conduite de coopérations Sud-Sud, avant tout avec des pays émergents comme l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui sont touchés par la crise eux aussi, ce qui pourrait réduire les échanges commerciaux avec ces pays à court terme. Les rapports avec les pays africains pourraient également être atteints par la baisse des importations de la part de ces pays, touchés de plein fouet par la baisse du prix des commodities et la réduction des investissements et crédits internationaux. L’intégration sud-américaine pourrait enfin être encore plus retardée, et notamment quelques projets phares d’intégration physique, comme le grand oléoduc reliant le Venezuela à l’Argentine.

Enfin, la principale crainte du Brésil est la recrudescence du protectionnisme comme solution à la crise, car cela affecterait encore plus les exportations des pays émergents. En effet, la volonté de liberaliser les marchés agricoles est au centre de la diplomatie brésilienne au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce depuis toujours. Cependant, depuis 2003, et malgré l’importance prise par le Brésil dans le processus de Doha, celui-ci est toujours bloqué. La crise ne facilite pas la résolution des conflits d’intérêts entre Etats-Unis, Union Européenne et grands pays émergents en faveur d’une solution mettant fin au protectionnisme agricole des pays du Nord, et pourrait donc signer un échec de la diplomatie du gouvernement Lula. C’est pourquoi avant le G20, si le président Lula s'est associé à la volonté française et allemande de mettre l'accent sur la régulation du système financier, il a mis en avant la nécessité de lutter contre le protectionnisme.

En ponctuant cette position d'une critique des "banquiers blancs aux yeux bleus" à l'origine de la crise (lors d’une réunion préparatoire au G20 avec Gordown Brown, le premier ministre britannique), Lula a voulu marquer l’affirmation nouvelle des pays émergents, en pointant les responsabilités des Etats-Unis avant tout, et en réclamant une place plus grande pour les pays émergents dans la régulation du système international. On peut analyser le propre G20 comme un reflet de cet état d’esprit général, tout comme la participation du Brésil au Fond Monétaire International en tant que créditeur, après le prêt de 4,5 milliards de dollar au Fonds, suite à la décision prise lors de la réunion du G20 de Londres d’augmenter les ressources de l’institution.

Loin du débat politique, existant dans tout pays, sur les remèdes à apporter à la crise, on peut craindre que la dégradation économique mondiale due à la crise ait un effet sur le Brésil, même s’il est indirect. De la capacité du gouvernement Lula à répondre à la crise sur la plan interne et externe dépendra sans doute le résultat du scrutin présidentiel en 2010. Affaire à suivre donc...

[1] http://www.economist.com/displaystory.cfm?story_id=13243343 (consulté le 10/05/2009)

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