vendredi 10 avril 2009

Le BAFICI, un "aéroport pour avions-films" indépendants

Du 25 mars au 5 avril, Buenos Aires accueillait pour sa onzième édition le Festival international de cinéma indépendant : le BAFICI. En chiffre, cela donne :
- 12 jours de projections
- 417 films projetés de 45 pays différents
- 1069 séances de cinéma dans 20 salles de 7 cinémas
- 245 000 spectateurs
- 297 invités
- 11 conférences, 14 débats, 5 tables rondes, 4 présentations de livres, 2 concerts

Événement cinématographique de grande ampleur, il y en avait pour tous les goûts, des films de Jean Eustache, auquel une rétrospective était dédiée, au dernier « film sandwich » de Raoul Ruiz, Nucingen Haus, en passant par quelques navets dont on taira les noms…

En ce qui concerne les films, le choix éclectique empêche de faire ressortir des lignes générales sur la programmation. On remarquera cependant un certain attrait pour le genre docu-fiction dans le cinéma argentin. Pour certains, c’est un moyen de préserver un élément culturel d’un monde qui s’uniformise : la musique andine du Nord de l’Argentine dans Esta cajita que toco tiene boca y sabe hablar de Lorena García, la vie solitaire du gaucho dans El gaucho d’Andrés Jarach, la vie des Huaorani dans les jongles équatoriennes dans Soy Huao de Juan Baldana. D’autres ont des buts plus historiques : Rosa Patria de Santiago Loza raconte la lutte de Néstor Perlongher pour les droits des homosexuels, Ellos son, los Violadores de Juan Riggirozzi l’engagement d’un groupe de punk argentin contre la dictature militaire. D’autres encore sont, comme tout documentaire, de simples témoignages qui laissent au spectateur le soin de critiquer le monde dans lequel il vit : le film Criada de Matías Herrera Córdoba raconte la vie d’Hortensia, une esclave des temps modernes, et Mariano Donoso, dans son film Tekton, montre à travers le projet de construction du Centre civique de San Juan la contradiction entre ce que peuvent faire espérer de tels projets et ce qu’ils deviennent réellement.

En ce qui concerne le public, il était là, toujours, nombreux. Il n’était pas rare d’apprendre, à l’arrivée en caisse, que la séance était complète. Même pour des séances plus théoriques : la Cinémathèque française a présenté une programmation sur la place de la photographie dans le cinéma. Les salles étaient pleines et certains films étaient applaudis, Letter to Jane: an investigation about a Still de Godard et Gorin par exemple.
À l’Université de Buenos Aires, dans un cours de théorie sociale, un étudiant explique que les spectateurs viennent par snobisme. Comme Bernard Bénoliel, directeur de l’action culturelle à la Cinémathèque française, je préfère croire que les Argentins ont soif de savoir, faim de culture et que les prix très raisonnables des places de cinéma leur permettent d’assouvir leurs appétits. Si on ajoute à cet aspect économique l’importance de l’offre cinématographique, on est encouragé, lorsqu’une séance est pleine, à voir un autre film dont on a peut-être moins parlé puisqu’on est sur place et qu’il y a du choix. C’est aussi la possibilité de dialoguer avec les réalisateurs (les Français Claire Denis, Simone Bitton, Raoul Ruiz entre autres étaient présents) à la fin des séances qui attire, permettant généralement de faire la lumière sur de nombreux aspects du film. Enfin, comme le dit Sergio Wolf, le BAFICI est un « lieu de plateforme et d’envol pour le cinéma argentin à un niveau international ». Plus généralement, comme l’a remarqué Bernard Bénoliel, les films ont vocation à voyager et le festival sert d’aéroport à ces « avions-films ». Alors on se dépêche d’aller les voir avant qu’ils ne décollent pour d’autres horizons.

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